©Gabriella Possum Nungurrayi

Les incontournables du mois d’octobre

Poésie en mouvement : danse

Arthur H se sent à La Seine Musicale chez nous comme chez lui : créatif, partageur, un peu différent de l'idée que l'on se fait de son répertoire. Il avait été invité, en 2020, par la danseuse étoile Marie-Agnès Gillot, " boxeuse amoureuse ", à combattre l'ordinaire face au champion de France Souleymane Cissokho dans un ballet puissant et sensuel. En janvier de cette année, il était " la voile d'un grand bateau " sous le vent des musiciens de l'orchestre Pasdeloup lors d'un concert symphonique : " Pour moi, l'orchestre classique, c'est la quintessence de l'émotion et de l'énergie". Le voici de retour dans l'auditorium dans une création originale combinant sa musique et la danse d'une chorégraphe emblématique de la modernité : la Franco-Américaine Carolyn Carlson. Laquelle est également calligraphe et poète, ce qui va bien à l'univers d'Arthur H traversé de vagues lyriques. Devant, autour du piano, les danseurs de la compagnie Carolyn Carlson jouent avec la voix de rocaille et les élans du coeur d'un artiste toujours en mouvement.

♦ mercredi 11 et jeudi 12 octobre 
laseinemusicale.com

La baguette d'Orphée : opéra

Comme contre-ténor, Philippe Jaroussky a chanté tous les Orphée du répertoire ou presque. Remarquable désormais dans sa seconde carrière pour diriger son ensemble Artaserse dans un Orfeo moins connu que ceux de Monteverdi ou de Gluck : celui d'Antonio Sartorio, compositeur à Venise au XVIIe siècle. La mise en scène est signée du spécialiste baroque Benjamin Lazar et Lorrie Garcia incarne un Orphée qui traverse moins les enfers mythologiques que ceux de la jalousie. 

♦samedi  30 septembre 
theatre-suresnes.fr

Histoires d'amour : chanson

La voix de Zaho de Sagazan est d'une profondeur exceptionnelle pour une si jeune femme. Elle chante l'amour toujours, l'amour peut-être et l'amour jamais dans une inspiration indémodable où les figures tutélaires - Brel, Barbara, Ferré parfois - semblent percuter l'univers musical électro de Stromae. Et cela fait une « symphonie des éclairs » qui d'ailleurs a été récompensée du Prix Chorus en 2022. Depuis, elle dialogue un peu partout sur scène avec un public qui, quel que soit son âge, a toujours une histoire d'amour en commun avec elle. 

♦mercredi 11 octobre 
malakoffscenenationale.fr

 

L'empereur de l'impossible : création

Ébauchée un peu avant la guerre, modifiée et achevée après celle-ci, la pièce Caligula, d'Albert Camus appartient à la même lignée que L'Étranger ou Le Mythe de Sisyphe« Sa vérité, explique l'auteur à propos de l'empereur de Rome, est de se révolter contre son destin, son erreur est de nier les hommes. » La création française en 1945 mettait en scène Gérard Philipe dans le rôle d'un prince « entre jeunesse et cruauté ». Un presque siècle plus tard, la pièce demeure souvent représentée, portant chaque fois les couleurs de son époque. Avec Jonathan Capdevielle, artiste associé au Théâtre de Gennevilliers, metteur en scène, acteur, marionnettiste, ventriloque, danseur, chanteur... Caligula n'est pas un monstre monolithique et cette nouvelle production de l'œuvre de Camus, en création mondiale dans le cadre du Festival d'Automne à Paris, s'intéresse autant au pouvoir vicié par la tyranne qu'au romantisme tragique du sentiment amoureux. De longues séances d'improvisation ont nourri la mise en scène et les rapports entre les personnages - le texte de Camus, inchangé, en ressort plus vivant. La scénographie de Nadia Lauro s'inspire de la Méditerranée de l'auteur, calanques de pierre déchirée et bunker qui s'effrite. Arthur B. Gillette - guitariste et compositeur au sein du groupe Moriarty - réinvente sans le dire le chœur antique. Chacun des acteurs est à la fois danseur, chanteur, tragédien et marionnette pour mieux exprimer le « besoin d'impossible » du personnage central pour qui les choses, telles qu'elles sont, n'étaient pas satisfaisantes... 

♦lundi 9 octobre 
theatredegennevilliers.fr

Son et lumière des pierres : création

À la fin de l'hiver dernier, le SeineLab accueillait à La Seine Musicale l'ensemble TM+, la compositrice Lara Morciano et la plasticienne Justine Émard en résidence de création pour travailler sur les « pierres sonnantes » et les « lithophones » préhistoriques, c'est-à-dire ces pierres naturelles ou taillées par l'homme qui produisent des sons. Lara Morciano, compositrice italienne, vient de participer au festival  Manifeste de l'Ircam avec une œuvre qualifiée d'« éblouissante » ; la Française Justine Émard explore un peu partout dans le monde - et notamment à la Maison de la Musique de Nanterre où TM+ est en résidence - « les nouvelles relations qui s'instaurent entre nos existences et la technologie ». Cet automne, c'est donc la création mondiale de Lithophonic, un « voyage de l'écoute » imaginaire, une traversée visuelle et sonore du grain de la pierre et des origines de la musique. Sur scène, de l'électronique et six instrumentistes de TM+, dont deux chargés des percussions minérales conçues par la plasticienne. Un dispositif vidéo projette dans l'espace des textures d'ombre et des éclats de lumière. Les deux créatrices ont travaillé ensemble une œuvre qui s'écoute comme un concert et se regarde comme une installation. Mieux : elles ont sculpté à l'aide des techniques contemporaines un environnement poétique, vertigineux et intemporel. De quoi nous embarquer loin en nous-mêmes, à travers quarante mille ans d'une aventure inouïe - et à mille lieues des sons et lumières décevants qu'on trouve parfois dans les grottes touristiques. 

♦ jeudi 19 et vendredi 20 octobre

Paysages des antipodes : peinture

Au bout du monde, l'Australie est longtemps demeurée un espace échappant aux influences qui allaient bouleverser les traditions millénaires de leurs singularités. La civilisation arborigène - celle des autochtones à l'origine du peuplement - remonterait à 60 000 ans ; par comparaion, les dessins de la grotte Chauvet ont 36 000 ans, ceux de Lascaux environ 20 000... Sans rupture de la chaîne de transmission orale, leur art s'est maintenu malgré le caractère éphémère des techniques utilisées : le doigt, le sable, quelques pigments naturels... Jusqu'à ce que l'appropriation de la peinture acrylique, dans les années soixante-dix, lui confère une pérennité et une créativité nouvelles, et lui ouvre les portes des musées et des collectionneurs. Comme les deux globe-trotters, Hervé Benoit et Frédéric Dietz, dont une centaine de toiles, issues de leur collection de passionnés, sont exposées à Meudon, du 22 septembre au 15 octobre, par Les Amis du paysage français avec le soutien de la ville. Parce que dans Empreintes du bush, une collection d'art aborigène, il est toujours question de paysage : un paysage mental, une cartographie symbolique du « Temps de rêve » - quand tout n'était encore que spiritualité à l'origine du monde. À regarder ces œuvres puissantes, on ne peut s'empêcher de faire le lien avec la thérorie scientifique concernant notre art pariéta, celle du mythe universel de « l'émergence primordiale », une création du monde perpétuelle qu'il fallait à tout prix raconter en image afin que la vie continue. 

♦jusqu'au dimanche 15 octobre

 

La roue des couleurs : cirque

Sur scène, il y a une roue, un grand cerceau virevoltant avec lequel l'acrobate virtuose joue comme avec le feu : dans le vocabulaire technique du cirque, on appelle ça une roue Cyr - sans jeu de mots, du nom de l'artiste québécois qui l'a mise au point au tout début de notre siècle. Dans un univers graphique abstrait proche des œuvres de Kandinsky, Mirò ou Delaunay, le numéro tourne autour - c'est le cas de le dire - de la réalisation d'une œuvre picturale avec l'agrès comme outil. Le cercle chromatique, représentation visuelle des couleurs disposées en fonction de leur longueur d'onde, est devenu grâce à l'informatique un outil universel. Faut-il y chercher une inspiration du spectacle Trait(s), à destination des enfants à partir de 3 ans, présenté par la compagnie SCoM au Théâtre Firmin-Gémier / Patrick-Devedjian d'Antony ? Pas vraiment ! Comme l'écrit avec beaucoup de sérieux Coline Garcia, conceptrice du projet, « dans sa forme et dans son propos, de l'agrès à l'adresse publique circulaire, ce spectacle souhaite explorer le cercle afin d'explorer ce qui fait le cirque. Au rythme du jaillissement des formes et des couleurs, sous l'action de l'agrès, le mouvement circassien s'écrit, se dessine. » On peut aussi, avec plus de relâchement et sans trahir l'esprit de la représentation, dire que « quand on peint avec une roue Cyr, on s'en met forcément partout ! » À la plus grande joie des tout-petits réunis autour de la piste - et de leur famille qui se demandera, un instant peut-être, comment leur expliquer que ça ne se fait pas à la maison... 

♦jeudi 12 au samedi 14 octobre
l-azimut.fr