Starmania, opéra rock à Boulogne-Billancourt, La Seine Musicale, du 14 novembre 2023 au 28 janvier 2024.Anthony Dorfmann

Les incontournables des mois de novembre et décembre

Émotion forte / Zoom théâtre-cirque

S’ouvrir à d’autres publics que l’abonné classique, attirer les allergiques au velours rouge sans rejeter les accros des planches, l’enjeu est permanent pour les métiers du spectacle vivant. La troisième édition du festival OVNI - pour « objets vivants non identifiés » - associe le Théâtre 71 de Malakoff, celui de Châtillon et celui de Vanves autour de onze spectacles hybrides, aux formes inédites et à l’ambition chimérique : plaire à celui qui croyait au théâtre comme à celui qui n’y allait pas. Au cœur du programme, le spectacle A.N.G.S.T. est une performance relevant à la fois du cirque acrobatique et du théâtre intérieur autour de la peur, de l’angoisse - Angst, en allemand - un sujet tabou dans le métier. Lucas Bergandi est fil-de-fériste : « Il est fascinant, il met sa vie en danger sur le fil à chaque instant, il semble hermétique à la peur », raconte l’auteur, jongleur et metteur en scène Clément Dazin. C’est évidemment un leurre, la peur étant une émotion fondamentale de l’être humain, qui le protège et le contraint, et que le public peut partager instantanément avec l’artiste. Tout le spectacle nous tient réunis dans cette palpitation vécue ensemble, dont nous connaissons chacun une forme ou une autre - c’est ce qui fait l’essence d’un spectacle vivant. « La peur est une émotion qui nous pousse au-delà de nos faiblesses, rajoute l’acrobate. Car ce n’est pas du saut périlleux dont j’ai peur, ni de la chute et encore moins de la blessure. La peur se situe dans la projection que j’y fais. L’anticipation de tous ces possibles qui n’arriveront jamais ».

Malakoff, Théâtre 71, 22 et 23 novembre (Festival Ovni).

Musique universelle / Zoom musique

La musique classique vous tient à distance, elle n’est pas faite pour vous, c’est un truc pour initiés ? Alors le Messie de Haendel est exactement ce qu’il faut pour réviser les a priori. Et pas seulement parce qu’il contient « le tube » servi à toutes les sauces : d’ailleurs, quand arrive le fameux Hallelujah, nous sommes déjà loin dans l’œuvre et beaucoup d’émotions nous auront traversés. Il n’est pas nécessaire non plus d’avoir foi en quoi que ce soit – sinon en la puissance de la musique pour transmettre quelque chose d’universel sur notre condition. Fidèle à sa conviction qu’il faut être au plus près des intentions du compositeur pour que le partage se fasse le plus naturellement du monde, Laurence Equilbey dirige Haendel avec vivacité, modelant « à la main » la matière et l’énergie d’Insula orchestra, du chœur Accentus et des quatre solistes - dont le contre-ténor Paul-Antoine Benos-Djian, qui a fait l’Académie Jaroussky, et la presque « sœur musicale » de la chef, la soprano Sandrine Piau.

Laurence Equilbey racontait sur France Musique que le Messie est l’un de ses premiers souvenirs d’enfance, quand elle écoutait répéter la chorale où chantaient ses parents. Aujourd’hui, près de trois siècles après la composition de l’œuvre à Londres en 1741, elle nous offre la possibilité d’entrer avec elle dans un univers infiniment accueillant. C’est aussi cela, la culture pour tous telle qu’on l’entend à La Seine Musicale.

Boulogne-Billancourt, La Seine Musicale, 5 et 6 décembre.

Espace-temps enchanté / Zoom expo- arts numériques

Pour une fois, nous ne vous suggérons pas d’aller au musée admirer des œuvres au sens classique, mais plutôt de vous laisser porter par la poésie lumineuse des particules complémentaires de la compagnie d’Adrien Mondot & Claire Bardainne. Les habitués du spectacle vivant sur les marges numériques connaissent leur travail (Acqua Alta, Pixel avec Mourad Merzouki). À Sceaux, ils nous ouvrent cette fois leur manège enchanté, rythmé par le ballet fluide et immatériel des projections lumineuses, et nous immergent ensemble et en musique dans un espace-temps où il est question de l’étirement de la Dernière Minute, celle d’avant de venir au monde ou de le quitter. Une demi-heure pour « être goutte, brûler feu, filer fumée, frissonner cendre, vibrer terre, glisser air, couler pluie, rouler vague… » Cette « installation-expérience immersive » est présentée dans le cadre de Némo, biennale internationale des arts numériques de la Région Île-de-France sur le thème « Je est un autre ». Elle accueille plusieurs projets dans les Hauts-de-Seine : les installations Hemispheric Frontier (Encor Studio) & Lune Dichroïque (Jérémie Bellot) à Paris La Défense, place Agam jusqu’au 10 janvier ; les spectacles Pendant que tu volais, je créais des racines de la compagnie Dos à Dos (Théâtre Clamart, 16 et 17 novembre), Crari or not de la compagnie Ex-voto à la Lune (Les Gémeaux, 22 et 25 novembre) ; et le Livescape de Stéphane Kozik et François Delamarre au SeineLab de La Seine Musicale (Impromptu du mardi 2 janvier).

Sceaux, Les Gémeaux, du 8 au 10 décembre et du 15 au 17 décembre (horaires sur www.lesgemeaux.com).

Tempête de neige, tempête de rires / Zoom jeunesse-Clowns

Pourtant né dans un monde « réaliste soviétique », kolkhoze et guerre froide, il y a 73 ans dans un village du sud de Moscou, Slava Polunin est un clown aux pouvoirs magiques : il sait nous faire remonter le temps jusqu’à l’enfance, là où tout est tissé de rêves et de contes par les fées du rire. Lesquelles, chez lui, sont des fous plutôt balèzes et quasiment muets, affublés de nez rouges grotesques, engoncés dans des houppelandes jaunes ou vertes. « Plus tu es heureux, plus les spectateurs sont heureux, dit celui qui vit en France dans un moulin jaune. J’engage seulement des gens heureux dans mon équipe. Ça, c’est mon secret. » Célébré depuis trente ans, son spectacle Slava’s Snowshow tourne à travers le monde, il s’aventure de l’autre côté du réel, fait tomber la neige sur un public qui rit aux larmes, les parents, les grands-parents redeviennent enfants, et les enfants se sentent chez eux. Il y a de la musique de kermesse, du cœur gros comme ça, et cette manière particulièrement slave d’en faire trop et ce n’est pas encore assez. Le spectacle n’est pas seulement sur scène, mais dans la spirale irrésistible de bouffonnerie qui entraîne les spectateurs à oublier qui ils sont, où ils sont, et ce qu’ils font. « Il donne à tous – sans exception, jeunes et vieux - l’occasion de laisser leurs vies bien réglées devant les portes du théâtre pour plonger dans un état d’idiotie heureux. On pourrait dire que le Snowshow n’est autre qu’une bonne excuse pour célébrer la vie… »

Rueil-Malmaison, Théâtre André-Malraux, du 1er au 3 décembre (dès 6 ans).

Quand on revient en ville… / Opéra rock

Il y a des œuvres, on ne sait pas exactement pourquoi, qui entrent soudain en résonance avec leur époque et deviennent immédiatement populaires. Certaines d’entre elles, les plus rares, traversent le temps, les styles, les publics, pour vibrer à travers les générations. Ce sont peut-être ce qu’on appelle des chefs-d’œuvre… Starmania, opéra rock écrit et composé en 1978 par le Québécois Luc Plamondon et le Français Michel Berger, semble en faire partie. Qui aurait imaginé que les péripéties futuristes de Johnny Rockfort, Stella Spotlight ou Cristal - Daniel Balavoine, Diane Dufresne et France Gall dans la version d’origine - feraient 45 ans après autant d’étincelles en percutant l’actualité de notre siècle ? Décidément, Le monde est stone. Après 90 représentations et 300 000 spectateurs à l’automne 2022, Starmania revient à La Seine Musicale dans la mise en scène de Thomas Jolly, le plus rock des shakespeariens ! On trouverait difficilement aujourd’hui plus forte expression d’une culture populaire.

Boulogne-Billancourt, La Seine Musicale, du 14 novembre au 28 janvier.

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©  Anthony Dorfmann 

Qui a peur de Shakespeare ? / Théâtre

Richard II : une pièce de trois heures, un texte écrit il y a bientôt 450 ans, des événements situés dans l’Angleterre médiévale… On pourrait redouter s’y perdre mais le miracle est là, grâce à l’immortel Shakespeare et au talent de Christophe Rauck pour le faire entendre aujourd’hui sans le trahir. Un spectacle poétique et politique, avec Micha Lescot dans le rôle du roi à la dérive, surgi d’une époque que nous ne connaissons pas et cependant accessible à chacun. Reprise de la création 2022 au Festival d’Avignon puis aux Amandiers la saison dernière.

Nanterre-Amandiers, du 2 au 22 décembre.

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© Geraldine Aresteanu

Le paradis des oubliés / Cirque

Le collectif Cirque Pardi ! installe à Antony son chapiteau pour Low Cost Paradise, un spectacle de groupe qui joue avec les codes du cirque traditionnel, les références cinématographiques, l’actualité d’une « société low cost où tout va à 2 000 km/h ». La complicité avec le public est permanente, dans les gradins et dans les coulisses où s’échinent des artistes joyeux et fragiles qui nous ressemblent, la virtuosité en plus. Acrobatique et musical, rempli d’émotions quotidiennes et de folies exceptionnelles, c’est un « paradis des oubliés » qui ne fonctionne pas au rabais.

Antony, Espace Cirque, du 24 novembre au 17 décembre.

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