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Étudiants/Seniors : un été non dénué de chaleur humaine

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Solidarité

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Jeune femme qui discute avec une vieille dame
Complices malgré leur soixante ans d'écart, Aïcha et Arlette ont tissé un lien durable. Depuis quatre ans, chaque été, la jeune femme rend visite une fois par semaine à l'octogénaire. CD92/STÉPHANIE GUTIERREZ-ORTÉGA
Pour combattre l’isolement des personnes âgées, le dispositif départemental ÔYES mise sur l’intergénérationnel. À Châtenay-Malabry, une quarantaine de seniors bénéficient de visites de convivialité assurées par des étudiantes jusqu’à mi-septembre.

À la tête d’un magasin de vêtements puis retraitée dynamique, Arlette, aujourd’hui âgée de 88 ans, a peu à peu perdu en autonomie, confinée depuis une chute dans les escaliers dans son deux-pièces de la Butte Rouge. Là, ses journées sont rythmées par la visite matinale de l’infirmière et les passages des auxiliaires de vie et de l’aide-ménagère. Elle ne se prive pas de discuter avec ces aidantes « quand elles ont le temps », toutefois les mercredis qui voient le retour d’Aïcha, son agent de convivialité, sont à marquer d’une pierre blanche : « Je l’attends avec impatience, je regarde l’heure avec ma loupe », précise-t-elle. Sitôt que retentit la sonnette, elle s’enquiert de l’identité de la visiteuse, sachant pertinemment qu’elle va retrouver sa « petite » et reprendre avec bonheur le fil de leur conversation.

Cette année, une quarantaine de seniors châtenaisiens repérés par le centre communal d’action sociale (CCAS) se sont inscrits à ÔYES. « Ces personnes ont un besoin d’échange de qualité auquel ne peuvent pas toujours répondre les aides à domicile dont ce n’est pas la mission principale, explique Laura Hounyovi, responsable du service autonomie au CCAS. Donc ce dispositif nous a paru très pertinent. » La structure a opté cette année pour un déploiement de juillet à mi-septembre (voir ci-dessous), période au cours de laquelle « beaucoup de services s’arrêtent et les familles partent en vacances » et a recruté deux étudiantes répondant au cahier des charges de l’Agence AutonomY. « Nous recherchions des personnes bienveillantes, n’ayant pas peur du contact avec des personnes âgées. Il n’y a pas technicité spécifique, c’est surtout de la relation humaine, poursuit Laura Hounyovi. On a eu la chance de trouver des profils intéressants et ce sont les mêmes personnes depuis quatre ans. »

Tout en délicatesse

Habituée du babysitting, Aïcha alterne avec ce nouveau public discussions, promenades ou soutien au numérique. « Je peux aider les seniors à comprendre les fonctionnalités de leur téléphone ou de la tablette offerte par leur famille, que, souvent, ils ne savent pas utiliser (les agents de convivialité sont aussi équipés d’une tablette Innodom de démonstration, Ndlr.)  Formée à repérer les vulnérabilités, Aïcha se rappelle de cette dame, qui, à chaque entrevue, se présentait de nouveau à elle. « Elle n’avait pas de famille, et personne n’avait remarqué ces pertes de mémoire, j'ai donné l'alerte, suite à cela elle a été hospitalisée. » Le contact facile, elle sait s’adapter aux plus volubiles, comme la très sociable Arlette, et aux plus réservés. « On nous apprend comment agir avec délicatesse pour amorcer la conversation quand les personnes n’ont pas le moral, et progressivement elles s’ouvrent à vous. » L’étudiante en journalisme apprécie particulièrement les récits d’expériences de vie. « Quand j’ai commencé je venais d’avoir le bac et j’ai pu entendre parler de vive-voix de Mai 68 ou de la guerre d’Algérie par exemple. »

Arrivée chez Arlette, la jeune femme s’installe dans son fauteuil attitré et la suite coule de source. « La semaine dernière je lui ai raconté comment j’ai créé ma robe de mariée », explique celle qui est veuve depuis « 44 ans ». On s’est tout de suite bien entendues, je me sens un peu comme sa grand-mère, et j’ai parlé d’elle à mon fils. » « On a pas mal de centres d’intérêt en commun, reconnaît Aïcha. J’ai étudié aussi la mode et Mme V. a été directrice de vente et a une appétence pour la couture et les belles choses… C’est une personne ouverte d’esprit, qui donne envie de se livrer et de l’écouter. » Si déjà la vieille dame appréhende la fin de ces visites, elle sait que leur lien survivra à la belle saison. « C’est certes un job mais avec le temps des affinités se créent et le reste de l’année je prends de ses nouvelles », sourit Aïcha.

 

Écoute et bienveillance de juillet à décembre

ÔYES (Hauts de Seine Étudiants Seniors), dispositif soutenu par le Département et la Conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie, vise à combattre tant l’isolement social des seniors que la précarité des jeunes. Il est déployé par l’agence AutonomY sur une période allant du 1er juillet au 31 décembre au plus tard, laissée au choix des partenaires de terrain, centres communaux d’action sociale et services d’aide et d’accompagnement à domicile, chargés de recruter les jeunes présélectionnés par l’Agence et d’organiser les visites, appels ou éventuels ateliers collectifs. « On est passé à six mois de déploiement l’an dernier de manière à couvrir aussi bien la vulnérabilité pendant la période estivale que celle de la fin d’année », précise Aurélie Brûlé, chez AutonomY. En 2024, 4 600 visites à domicile ont été réalisées auprès de 1 400 seniors contre 1100 visites en 2022 au démarrage, reflet de la montée en puissance du programme. « Cette année nous avons trente-sept structures partenaires dont certaines participent pour la quatrième année consécutive, avec une couverture territoriale de l’ensemble des communes, et des jeunes qui postulent d’année en année parce que cela est pour eux porteur de sens. »    

Il est encore temps pour les seniors de s’inscrire à ce dispositif gratuit (réservé aux 60 ans et plus) et pour les jeunes de postuler en tant qu’agent de convivialité (étudiants, en reprise d’études, lycéens de plus de 16 ans, job rémunéré) : www.oyesplus.fr