Entretiens Albert-Kahn : quels leviers pour les carrières des femmes ?

4min et 38sec de lecture

Éducation et jeunesse Économie et emploi

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Éducation et jeunesse Économie et emploi
« Nous sommes tous concernés : les familles, les hommes…, a expliqué Georges Siffredi. Ce n’est pas un sujet de femmes, par les femmes, pour les femmes. C’est un enjeu pour notre Nation. »CD92 / Stéphanie Gutierrez-Ortéga
Un an après l’adoption par le Département de sa stratégie pour l’égalité femmes-hommes, les Entretiens Albert-Kahn ont proposé le 7 mars une matinée de réflexion sur le thème de l’accomplissement professionnel des jeunes filles.

Adoptée en février 2023, la feuille de route par le Département prévoit de promouvoir l’égalité des droits, entre autres, de combattre les stéréotypes genrés, valoriser les parcours de réussite féminins, soutenir les campagnes de l’Institut des Hauts-de-Seine (bus santé femmes, Toutes culottées, etc.), créer un observatoire départemental contre les violences faites aux femmes, organiser pour les collégiens des Curious’Lab ou O Lab Citoyen, avec 20 000 élèves, soit un tiers des collégiens, bénéficiaires cette année.

« Ce programme, novateur pour une collectivité territoriale, est un pilier essentiel de notre stratégie, par laquelle les Hauts-de-Seine se sont résolument engagés dans la lutte pour l’égalité femmes-hommes, partout et à tous les instants, à travers une politique publique claire, globale et structurante, a souligné en introduction Georges Siffredi, le président du Département. Dès le plus jeune âge, là où tout se joue, nous voulons que les perceptions changent pour que les barrières et les obstacles tombent un à un, pour que les portes du succès et de l’épanouissement s’ouvrent le plus tôt possible. Pour que, lorsque nous nous projetons à l’horizon de 2035 comme nous y invite cet EAK, chacune puisse s’accomplir comme elle le souhaite. Et cela nécessite, forcément, de ne pas destiner nos actions uniquement aux jeunes filles et aux femmes, mais bien de mobiliser les familles, la société tout entière, et donc aussi bien les femmes que les hommes. »

« S’attaquer aux racines des disparités »

Camille Bedin, conseillère départementale déléguée à l’égalité femmes/hommes, a fait part des résultats du focus groupe réalisé en janvier avec des collégiennes sur les freins à l’accès aux métiers techniques ou scientifiques. « Je suis convaincue que l’éducation est la clé de tout, a-t-elle conclu, rappelant les chiffres actuels : 18% de femmes ingénieures, 27% dans l’industrie, 11% dans le numérique. « Pourquoi est-ce un problème ? a-t-elle questionné. Parce que ce sont les métiers de demain, notamment l’IA, et on ne peut pas se priver de ces compétences ! »

Céline Mas, présidente ONU Femmes France et membre du Haut Comité à l’Égalité a déroulé les enjeux de l’émancipation, mot signifiant en latin « s’affranchir de l’autorité paternelle ». Avec neuf personnes sur dix qui nourrissent encore des préjugés sexistes en France selon les dernières études, elle a soulevé l’importance d’investir massivement en faveur des femmes et des organisations féministes sur le terrain. Et cela avec les hommes car « tout le monde sort gagnant de la mixité ».

Élise Cathala, chargée du baromètre Sexisme chez Viavoice pour le Haut Conseil à l’Égalité, a dévoilé plusieurs constats : la définition du sexisme est souvent mal maîtrisée, le sexisme est souvent nié par la société. Pire, il augmente chez les jeunes hommes (25-34 ans). Autre enseignement, le sexisme est véhiculé à la fois par la famille, par l’école, par les médias, notamment les réseaux sociaux, et bénéficie d’une certaine indulgence des Français : « On a besoin de prévention pour responsabiliser les individus ».

Des polytechniciennes témoignent

Solène Verdier-Play et Anne-Flore Baron, jeunes polytechniciennes, ont confirmé par leurs témoignages les biais identifiés par les statistiques : contrairement à la majorité des filles, leurs parents, déjà ingénieurs ou professeurs de maths, les ont encouragées dès leur plus jeune âge à s’intéresser aux sciences, les présentant sous forme ludique et festive, puis des enseignants les ont nourries et poussées. « Il faut combattre les idées reçues, notamment que les filles sont moins douées en sciences que les garçons, ce qu’on a entendu toute notre scolarité : cela nuit à la confiance en soi, ont-elles affirmé. Des filles se sabotent car elles ne croient pas en elles. On manque de modèles incarnant les femmes scientifiques. »

A leurs côtés, Diane Dessalles-Martin, chargée de mission bénévole au pôle Egalité des Chances de Polytechnique, a décrit les actions menées pour faire découvrir l’école aux collégiens et lycéens et ouvrir le campus aux visites et à des stages.

Amel Kefif, directrice de « Elles bougent », déploie justement une stratégie de « modèles » : l’association déploie dans les établissements scolaires de toute la France plus de dix mille marraines ayant une formation académique scientifique, organise des événements dans les entreprises pour faire découvrir ces métiers scientifiques – « souvent invisibilisés » - aux collégiennes et aux lycéennes, et depuis peu, aussi en école primaire.

Pour finir, Laetitia Vitaud, diplômée d’HEC, autrice et conférencière sur le futur du travail s’est attachée à définir le travail avec son double volet « production » et « reproduction », c’est-à-dire les actions nécessaires à l’existence du travail, comme les tâches domestiques : nourrir, nettoyer, éduquer les enfants, etc. : un travail gratuit dont les deux tiers sont effectués par des femmes, une des premières sources d’inégalité dans le monde.

 

EAK n°62 : « Du rêve à la réalisation de soi. Quels leviers pour accompagner l’accomplissement professionnel des jeunes filles ? », sur https://eak.hauts-de-seine.fr/