Tours et détours. Regards sur La Défense"

Depuis 2021, nous avons adopté un nouveau cap stratégique pour le quartier alto-séquanais emblématique de La Défense – dont le Département est la collectivité de référence – en le dotant d’une raison d’être : devenir le premier centre d’affaires post-carbone, un quartier où il fait bon vivre pour tous ceux qui y habitent, travaillent, étudient ou y passent simplement.

Face à l’urgence climatique, nous sommes en effet en train de bâtir un nouveau modèle de développement fondé sur une vision plus durable. Cela implique de construire autrement, de mieux faire entrer la nature dans nos espaces publics, de développer davantage les transports décarbonés – avec l’arrivée du RER E par exemple – et de favoriser une plus grande mixité de nos espaces de vie, en mêlant commerces, bureaux et habitations. C’est là une occasion formidable pour La Défense de renforcer son attractivité et de lui permettre d’affronter les défis auxquels ce véritable joyau national fait face.

 

Dans ce contexte de mutation profonde, l’exposition Tours et Détours est un révélateur de l’ampleur des évolutions engagées, qui permettent au quartier d’affaires de renouer avec l’élan modernisateur de l’époque gaullienne qui avait conduit à son avènement. Les espaces de verdure qui s’y nichent, les œuvres d’art contemporain qui en font un musée à ciel ouvert, les bâtiments emblématiques, les préoccupations environnementales à l’œuvre à tous les étages : c’est un véritable parcours esthétique au cœur de La Défense, de son histoire, et de son ambition architecturale que vous propose cette exposition, nous laissant envisager le meilleur pour le présent et l’avenir de notre territoire.

 

Axe historique

La présence à droite de la résille métallique de la tour Hekla, d’où l’on regarde La Défense depuis son point culminant, à plus de 250 mètres au-dessus des quais de Seine, évoque irrésistiblement les célèbres photos new-yorkaises des années vingt et trente sur lesquelles des ouvriers du bâtiment défiaient le vertige au-dessus de Manhattan… Vue à la manière d’un thriller, voici la scène d’ouverture d’une série d’anticipation urbaine : La Défense. Une extension de la capitale imaginée dans les années cinquante, devenue sur le territoire des Hauts-de-Seine le premier quartier d’affaires européen – 2 800 entreprises, 200 000 salariés – et un lieu de vie en évolution permanente – 50 000 habitants, 70 000 étudiants – répartis entre les communes de Courbevoie, Nanterre, Puteaux et La Garenne-Colombes.

Traversant l’image de gauche à droite, du parvis devant le Cnit jusqu’à l’horizon de l’histoire, le fameux « axe historique » remonte le temps d’ouest en est sur huit kilomètres : La Défense, le pont de Neuilly, l’Arc de Triomphe sur la place de l’Étoile, les Champs-Élysées, la place de la Concorde, le jardin des Tuileries, le palais du Louvre… La perspective hérite de la construction du paysage pour l’agrément du regard, avant de s’imposer comme voie de circulation puis trajectoire, physique et symbolique, de l’aménagement d’un territoire.

Plus insaisissables, d’autres diagonales structurent l’espace : la Seine qui monte vers l’horizon, le boulevard circulaire Patrick-Devedjian et l’avenue du Général-de-Gaulle, autant de lignes de force au cœur de la matière. Car La Défense ne se comprend qu’en trois dimensions, du sommet des immeubles de grande hauteur plantés dans la dalle réservée aux piétons, jusqu’aux strates profondes, invisibles pour certaines, des circulations automobiles et du transport public.

566 ha
dont 31 ha d’espaces piétons
37,35 ha d’espaces publics végétalisés
61 immeubles de grande hauteur (IGH)
8 km d’axe historique

 

Voie triomphale

Dans la nuit du 18 janvier 1871, des gardes nationaux avaient remonté jusqu’ici la « voie triomphale » depuis la place de l’Étoile, avant de partir vers Buzenval dans une dernière tentative pour rompre la ligne des assiégeants prussiens et assurer la défense de Paris… Choisi par le conseil général de la Seine parmi plus de cent propositions, le monument rend hommage à la bravoure d’un territoire et son nom s’imposera naturellement à la place où il est inauguré, puis au quartier rayonnant alentour. Déplacé plusieurs fois pendant les travaux d’aménagement, le monument a retrouvé son site d’origine à quelques mètres près.

Ainsi observé, le groupe sculpté semble s’être converti à une autre symbolique. Adossé sur l’axe historique à deux arcs de triomphe guerriers – celui de l’Étoile désormais dédié à la mémoire du soldat inconnu et des morts de la Première Guerre mondiale, et plus loin encore, celui du Carrousel devant le Louvre, érigé pour les victoires napoléoniennes – il regarde vers l’avenir à travers la Grande Arche, troisième arc de triomphe, celui-ci pacifique et fraternel.

4 m de haut
115 artistes candidats
dont Rodin, Doré, Bartholdi, Carrier-Belleuse…

 

Les Moissons du ciel

Le projet Tête Défense, dans les dernières années du siècle dernier, tend à matérialiser l’axe historique de Paris, en implantant, sur ce qui était à l’époque la limite ouest du quartier, un bâtiment ouvert sur le ciel. Inauguré le 14 juillet 1989 sous l’appellation de Grande Arche de la Fraternité, le monument-immeuble a été conçu par le Danois Johann Otto von Spreckelsen et achevé, deux ans après sa mort, par le Français Paul Andreu. Arc de triomphe moderne à la gloire de l’humanité, cube évidé qu’on imaginerait volontiers à une autre échelle dans une galerie d’art, sa pureté assure à la perspective une orientation nouvelle. Les infrastructures souterraines ont conduit à le désaxer de 6,33° – la contrainte technique révélant ainsi son volume et rejoignant symboliquement le décalage similaire de la Cour carrée du Louvre. Mieux qu’un nouveau cadre, ici ouvert sur la floraison des Signaux du sculpteur Takis, la Grande Arche s’impose comme un viseur prophétique du devenir de La Défense.

110 m de haut, 112 m de long, 107 m de large
12 piles de fondation sur 30 mètres de profondeur

 

La Cathédrale de l’industrie

Le Centre national des industries techniques (Cnit) ressemble à un œuf d’où La Défense aurait éclos. L’établissement public d’aménagement de La Défense est d’ailleurs créé juste avant son inauguration en 1958 par le général de Gaulle, en présence d’André Malraux qui convoque la mémoire des bâtisseurs de cathédrale. De l’œuf, sa voûte rappelle la coquille, vingt fois plus fine à son échelle ! Aujourd’hui encore la plus grande voûte autoportée au monde, c’est un voile de béton – terme technique masculin – tout autant qu’une voile aérienne tendue entre trois points d’appui, une feuille au vol suspendu, l’esprit gothique dans l’air du XXe siècle. Un idéal d’équilibre entre la physique qui la contraint et le progrès qui la déploie…

218 m d’envergure
46 m à son point le plus haut
Coque de 65 mm d’épaisseur

 

Vers le ciel de l’imaginaire

« Je suis le narrateur, le neuf, l’imaginé, 
L’anonyme arpenteur à la tour accueilli…
Qui ? Vous, moi, personne, tout le monde… Je n’ai pas d’âge ni de souvenirs sinon les vôtres, je suis chacun d’entre vous qui allez déambuler avec moi entre les tours. Vos références sont les miennes, en substance si ce n’est en exactitude.
La Défense, c’est notre Manhattan. Moins bien rangé que l’autre, nous sommes latins, il entre du baroque dans nos perspectives. Plus qu’un quartier vertical, stratifié, c’est une ville en mouvement permanent, traversée de circulations. Et il y a tant de choses à voir, le nez en l’air, les pieds sur la dalle. Nous l’arpentons depuis trente ans d’un regard familier, ou depuis dix ans dans l’énergie, ou depuis hier dans la sidération, voire depuis le début sur les traces du souvenir. Je ne sais pas pour vous mais moi, chaque fois, je découvre quelque chose de neuf, ou d’oublié, ou de secret.
Suivez-moi, je vous entraîne dans des détours de fantaisie entre les tours du réel. Ça commence ici, au pied de l’immeuble d’habitation le plus haut de France, comme sur le pas de tir d’une fusée posée sur ses tuyères, la capsule dressée vers le ciel de l’imaginaire. »

134 m de hauteur, 47 étages
308 appartements de 19 à 140 m2
900 habitants environ (en 2022)

 

Vibrations liquides

Appartenant à la première génération des œuvres monumentales commandées par l’établissement public à la fin des années soixante-dix, la Fontaine d’Agam s’est à la longue révélée comme un objet magnifique et hybride : une œuvre d’art impressionnante mais pas trop, un bassin familier où l’on vient s’asseoir les jours de canicule pour bénéficier, pour peu qu’il y ait un peu de vent, des brumisations du ballet aquatique rythmé et des vibrations colorées propres à l’art cinétique qui, modernité oblige, inclut le mouvement dans la forme.

En plein « centre historique » de La Défense, la Fontaine vient apaiser d’un plan liquide volontiers ludique la clameur architecturale de l’arrière-plan, un presque chahut formel dû à la diversité des plans, des modèles et des hauteurs au gré de l’évolution des besoins du quartier et des fonctions des bâtiments.

Bassin de 26 m sur 86 m
Mosaïque de 86 couleurs en émaux de Venise
66 jets d’eau, hauteur maximale d’environ 15 m

 

Sur le pavé, la terre

Tous les paysans le disent : c’est la terre qui fait la nature. Et quand la ville s’est construite sur le pavé – ou plus exactement sur une dalle de béton hors-sol naturel – il faut désormais que la terre soit rapportée pour répondre aux exigences de notre époque, prise entre le droit à la nature pour chaque usager et le devoir de résistance devant les dangers du changement climatique. Entrepris depuis plusieurs années, le grand plan de végétalisation des espaces publics visant à réduire les îlots de chaleur commence ici avec une graine plantée modeste par le riverain. À l’horizon 2030, le projet « parc sur l’Esplanade » ensemence une vaste plage verte de cinq hectares, entre la Fontaine d’Agam et le Bassin Takis, qui se souviendrait, sur l’axe historique, des aménagements d’André Le Nôtre au jardin des Tuileries.

1 400 m2
Arbustes, potager et plantes aromatiques
Accessible aux personnes à mobilité réduite
Label Écojardin

 

L’antre des licornes

Il y a bien des cracks et des booms que la cloche ne rythme plus son décorum, inséparable de la Bourse de Paris, l’antique, qui instruisait les cours au palais Brogniart (2e arr.) à l’époque où Alain Delon, le temps de L’Éclipse d’Antonioni, passait encore en cambiste. Ne reste dans l’Haussmannien que le gendarme qui veille, et veille encore à un dynamisme économique à la régulière, l’Autorité des marchés financiers sise, cela va de soi, Place de la Bourse.

Paris Stock Exchange Euronext, déménagé à la Défense en 2015, est ainsi l’une des principales places boursières d’Europe. C’est ici que se détermine le fameux indice de référence CAC 40®, qui rassemble les capitalisations boursières des quarante plus grandes sociétés françaises. Euronext Paris est également le marché de référence pour les « licornes » françaises de la « tech », à savoir les start-ups valorisées à plus d’un milliard de dollars sans encore être cotées en bourse.

800 sociétés cotées
5 300 investisseurs institutionnels
4,1 milliards d’euros échangés chaque jour

 

« Hub » de l’innovation

Une nouvelle économie de la connaissance transforme peu à peu La Défense en « hub » européen de l’innovation ; on y questionne l’intelligence artificielle, l’énergie décarbonée, les sciences de la vie. Le Campus Cyber s’y inscrit, sur le domaine de la sécurité et de la souveraineté numérique. Il agrège dans un même lieu « l’écosystème de la cybersécurité » : start-ups, PME, industriels de la cybersécurité et du numérique, services de l’État, laboratoires de recherche, organismes de formation… En définir les missions, c’est décrypter les lignes de code d’un domaine impénétrable au néophyte pour en extraire, au-delà du flux de la matrice – big data, lieu totem, synergie… – l’enjeu crucial : ripostes aux cyberattaques, rapprochement de la recherche et de l’industrie en vue d’innover et de former les experts de demain, dans un monde ayant généré, depuis 2021, davantage de données que pendant toute l’histoire de l’humanité.

26 000 m2
13 étages
100 sociétés, 1 800 experts

 

Star Wars

« Le plus étrange des bâtiments de La Défense, symbole d’une nouvelle génération libérée du modèle américain du gratte-ciel en verre, aurait pu être démoli pour céder sa place à une tour de Norman Foster restée à l’état de projet de concours. À mon avis, c’est une bonne chose, on aurait perdu la gourmandise de cet immeuble ne ressemblant à aucun autre, avec ses teintes de caramel et de réglisse. En 1983, ce qu’on désignait encore comme la première trilogie Star Wars s’achevait au cinéma avec Le Retour du Jedi… Je ne suis pas vraiment sûr que l’architecte Jean Balladur, cousin de l’ancien Premier ministre, khâgneux élève de Jean-Paul Sartre et membre de l’académie des Beaux-Arts, fût un adepte de ce genre de film, mais tout de même! La forme en hélice à trois pales de l’ensemble s’apparente à une chimère entre le Y-Wing et le X-Wing de l’Alliance rebelle, les éclats noir et or du côté obscur de la courbe ne dépareraient pas le casque de Dark Vador…

On les imaginerait presque se dérouler comme les anneaux d’un gigantesque serpent froid, comme dans le Dune de David Lynch, mais nous serions alors en 1984 et ce serait une autre histoire. »

54 m de hauteur, 15 étages
Plan en Y
Ornements de marbre de Carrare

 

Star Trek

« Pour retrouver ce point de vue singulier sur la tour Légende, il faut la contourner jusqu’à son entrée sud, surmontée d’un auvent circulaire beaucoup plus modeste que celui de 24 mètres de diamètre sur l’esplanade. Ieoh Ming Pei n’est donc pas seulement l’architecte du triangle et de la pyramide. Plus de dix ans après celle du Louvre, là-bas, tout au bout de la perspective historique, il invente ici une nouvelle légende au quartier. Pei ne craint ni la géométrie des formes, ni le théâtre des prouesses. La tour les multiplie, complexes, convexes, maîtrisées par la révolution de l’outil informatique qui ose s’aventurer au-delà de la galaxie ordinaire de l’architecture. C’est un ovoïde plus large en son sommet qu’à sa base, dont l’arête nord est fendue d’une entaille géométrique inversée d’où surgirait une immense soucoupe volante comme d’une faille spatio-temporelle… Cantonais de naissance, Ioh Ming Pei baignait depuis les années trente dans la culture américaine »

165 m de hauteur
40 étages
70 m de longueur
32 m de largeur maximale

Fondation

Cœur Transports est l’un des plus grands nœuds multimodaux du monde, qui fédère les réseaux ferroviaires et routiers de la SNCF et de la RATP. Faut-il rappeler que, lorsque le quartier d’affaires est sorti de terre, on y accédait par la ligne 1 du métro, terminus Pont-de-Neuilly, et la suite à pied… Le RER A jusqu’à La Défense, station inaugurée en 1970, exigea des travaux gigantesques. Ceux du RER E, titanesques ! Le plus grand chantier ferroviaire du monde en 2023, avec ses deux stations La Défense-Grande Arche et Nanterre-La Folie, il est l’aboutissement du projet Eole (Est ouest liaison express), soutenu financièrement par le Département qui, via Saint-Lazare, relie la Seine-et-Marne à La Défense, puis à Mantes-la-Jolie d’ici 2030.

Fondation… Parce que 200 000 salariés travaillent à La Défense, 50 000 personnes y habitent, la question des transports en commun est fondamentale. Parce que les 60 colonnes monumentales servent de nouvelles fondations aux 100 000 tonnes du Cnit, 34 mètres au-dessus. Et parce que cette grande nef ressemble au décor de la série Fondation, inspirée du cycle romanesque d’Isaac Asimov, où il est question de prévoir l’avenir et de s’y adapter…

Nœud multimodal :
Métro ligne 1, RER A, RER E, Tram T2, Transiliens L et U, bus
400 000 personnes par jour
87 % des salariés de La Défense 

 

Mission sur La Défense

En dépit de la mise en scène facétieuse qui leur donne l’allure, vaguement inquiétante, des astronautes vus par Brian de Palma dans Mission To Mars, la 28e compagnie du 3e groupement de sapeurs-pompiers de Paris, casernée à Courbevoie, ferait plutôt dans l’intervention bienveillante et le secours aux personnes. La compagnie à l’emblème d’éléphant couvre les deux tiers du quartier de La Défense, le reste relevant de la caserne de Puteaux. Leur domaine d’expertise concerne aussi bien la surface que les tours et les sous-sols, les flux ferroviaire et automobile que le front de Seine. Ici, moins d’incendies qu’ailleurs et pas de scénario catastrophe à La Tour infernale – les normes des immeubles de grande hauteur sont particulièrement rassurantes –, mais essentiellement du secours à victimes, du malaise à l’entorse, avec un « coup de feu » aux heures de pointe du matin et du soir.

58 sapeurs-pompiers
5 camions
dont 2 ambulances et 1 véhicule anti-incendie

Chaud et froid

Avec son sister-ship de Nanterre (2006), la centrale alimente en chaud et froid 3,5 millions de m2, soit 200 immeubles de bureaux et 12 000 logements. Des tuyaux à perte de vue, comme des entrailles où bouillonne l’eau de chauffage, la lumière glacée des bassins de climatisation : difficile de ne pas songer à la soute du vaisseau Nostromo dans l’Alien de Ridley Scott… Cependant, pas de monstre ici – on chasse même celui de la pollution carbone ! Le passage progressif des combustibles fossiles à un mix énergétique de bio-fuel, de gaz naturel et d’agro-pellets – des granules à base de paille de colza, maïs, coques de noix, noyaux d’olives et de sarments de vignes acheminées par voie ferrée – réduit de plus de 5 % les émissions de gaz à effet de serre du territoire.

24 km de circuit chaud
14 km de circuit froid
60 % d’énergies renouvelables
54 000 tonnes d’équivalent CO2 économisées par an

 

Le problème à trois corps

« En levant les yeux, c’est l’évidence, le quartier des Reflets ne pouvait pas s’appeler autrement… Et puis, j’ai aussitôt pensé au roman de science-fiction de Liu Cixin, Le Problème à trois corps. Dans une galaxie lointaine, trois soleils interagissent selon les principes de la gravitation, leurs trajectoires sont mathématiquement imprévisibles, de même les conséquences sur le climat, et les rares moments d’équilibre s’effondrent dans le chaos… À son échelle, le "problème à trois corps" de La Défense n’est pas aussi insoluble, mais quelque chose, au-dessus de nos têtes, incite à la réflexion. Comment assurer l’équilibre à long terme entre la rentabilité des constructions, la qualité de vie des usagers et le respect de l’environnement? Selon les périodes et les stratégies, les immeubles des premières générations, écologiquement dépassés, sont démolis, comme l’immeuble Veritas remplacé par la tour D2, ou bien ils bénéficient, comme Liberty, d’une libération des contraintes par une série de rénovations, ou comme Aurore d’un véritable jour nouveau grâce à une restructuration profonde, avec extension de la tête de tour et réaménagement des abords. La complexité pratique de la réalisation vaut bien celle des théories évoquées par l’écrivain. Sans parler de la difficulté à légender correctement les phases et les cabinets d’architecture… »

D2 : 175 m de hauteur, 37 étages
Aurore : 133 m de hauteur, 33 étages
Liberty : 110 m de hauteur, 32 étages

 

Coule la Seine

À l’emplacement de la tour Esso (1963-1993), l’une des premières construites puis démantelées du quartier d’affaires, Cœur Défense représente, à son achèvement au début de notre siècle, la plus vaste réalisation immobilière européenne quant aux surfaces cumulées. Avec ses tours siamoises en rotonde et sa structure d’organisme autour d’un atrium, le siège – entre autres – de l’établissement public Paris La Défense évoque le cœur palpitant d’un territoire où circule la Seine. Ici à l’est, sous les ponts de Levallois, d’Asnières, de Clichy, de Gennevilliers passe la Seine. Son méandre dessine le nord des Hauts-de-Seine et on la retrouve à l’ouest de La Défense, à Nanterre, tout au bout de la perspective des Terrasses de l’Arche. Au parc départemental du Chemin-de-l’Île, la ville et le fleuve fusionnent dans une coulée verte que partout le Département développe afin de permettre aux citadins de disposer d’un espace nature à quinze minutes de chez eux.

2 tours de 160 m, 40 étages
3 immeubles de 40 m, 9 étages
1 atrium
350 000 m2

 

Central Parc

Imaginé selon les vœux du ministre André Malraux comme un parc culturel – d’où l’implantation du théâtre des Amandiers et de l’école de danse de l’Opéra de Paris –, modelé avec les déblais des fondations des tours de La Défense, il a fleuri en toute liberté comme un paysage ouvert, accessible en permanence, avec ses pleins et ses déliés, ses buttes et ses pelouses, autour d’un lac artificiel, comme lui en courbes tracées, où nichent le bruant des roseaux et la rousserolle effarvatte. C’est un parc où vont les bêtes et les gens, c’est le verger symbolique de La Défense. À l’arrière-plan, derrière La Verticale, l’œuvre en bronze de Jacques Swobada implantée par le Département en 2023, les « tours Aillaud », que leur architecte avait dessinées dans la perspective du parc comme des tiges montées en graine jusqu’aux nuages. Six d’entre-elles bénéficient d’une réhabilitation à très grande échelle dans le cadre du dispositif départemental de rénovation urbaine Quartier d’Avenir.

25,4 ha
5 000 m2 de jardin de collection, 400 espèces végétales
Label Eve® (Espace vert écologique)
Label Refuge LPO (Ligue protectrice des oiseaux)

 

La dalle et le ciel

« C’est d’ici, dans les lumières d’or du premier plan, que l’on comprend le mieux la structure à plusieurs niveaux de La Défense, la dalle séparant la déambulation piétonne des circulations automobiles, le voluptas du commoditas comme disaient les architectes érudits de la Renaissance dont se souvenait le XXe siècle. Dans le ciel de Nanterre, à quelques centaines de mètres, les tours Nuages, dans l’esprit seventies d’un paysage urbain différent. Pas de barres parallèles ni de jeux de cubes, mais des volutes de cumulus aux couleurs irisées, une cadence pulsée des fenêtres, un plan semé au sol comme des trèfles le long d’un chemin sinueux. L’architecte Émile Aillaud travaille les détails en famille avec son gendre, le peintre et mosaïste Fabio Rieti qui revêt les courbes extérieures de pâte de verre. Posté là, j’imagine à quoi ressemblera la vue dans quelques années, une fois achevée l’opération de rénovation urbaine qui va ouvrir le quartier sur son environnement et remplacer la mosaïque de nuages et d’arbres en un parement d’aluminium plus abstrait, plus rythmé, plus solide. »

Horizon 2030 
17 tours de 8 à 38 étages
105 m pour la plus haute
1566 logements

 

À l’heure bleue

Des fonctions de la ville, synthétisées autrefois par Le Corbusier, on a beaucoup parlé à La Défense des premières : travailler, habiter, circuler ; et pendant longtemps, beaucoup moins de la quatrième dimension : se divertir aux heures de loisir. Aux beaux jours du printemps, La Défense Jazz Festival en est le symbole le plus représentatif, créé et organisé par le Département depuis 1992, intégrant le fameux concours international né en 1977. Sur la place centrale de La Défense rénovée en 2023, il attire aux heures de pause du midi et du soir ainsi que le week-end, l’amateur de blue note et de jazz éclectique – cette année Herbie Hancock, Angélique Kidjo, Jalen Ngonda… –, mais aussi, plus largement, le salarié des tours, le voisin d’appartement, le touriste international.

Des propositions imaginent un avenir entièrement engazonné au parvis, façonné par exemple à la manière d’une galerie de cloître sur jardin. Ouverte à la musique et au divertissement, aux heures bleues où ferment les bureaux, quand le quartier d’affaires se métamorphose en lieu de vie.

10 jours de concerts gratuits
Place piétonnière de 4 000 m2
2 000 m2 de pelouse

 

Rhapsody in Blue

Matérialisation des ambitions économiques d’une France relevée des ruines de la guerre, La Défense fut une révolution dans un pays où la puissance historique se concentrait au centre de la capitale. Devenu le premier quartier d’affaires au sein de l’Europe – le quatrième mondial au regard de son attractivité, et haut sur le podium en ce qui concerne les performances environnementales et l’offre immobilière –, il vise un nouveau cap stratégique : « le Paris d’un monde post-carbone ».

À cette puissance économique répond la beauté plastique d’une image qui joue avec les symboles : la nuit le jour, l’interaction des activités dans les alvéoles de la ruche, l’ouverture verticale là-haut sur le monde de demain… On pourrait se croire devant un tableau de Paul Klee, on imaginerait entendre la tension électrique d’un solo du guitariste Robert Fripp, ou bien la Rhapsody in Blue de George Gershwin, inoubliable générique du Manhattan de Woody Allen ; il ne serait pas incongru de vouloir descendre l’écouter live au pied des tours, sur la scène du festival de jazz…

1er quartier d’affaires européen
200 000 salariés
soit 18 % des emplois salariés dans les Hauts-de-Seine

 

Dans la caverne du Minotaure

L’œuvre est invisible, enclose désormais dans les vides inaccessibles béant sous la dalle où Raymond Moretti avait installé son atelier de démiurge et déménagé son Monstre, sorti de sa coquille à Nice en 1962, passé par le « ventre de Paris » dans un pavillon Baltard des Halles, avant de se reclure définitivement ici en 1973 et d’y grossir. Elle est illisible également, tellement sa taille gigantesque, sa croissance chaotique et ses entrailles déchirées ont fait l’objet d’interventions chirurgicales de la part de son auteur ; il en parlait peu, s’y regardait en secret et envisageait à la fin de sa vie de la recycler après l’avoir réduite en cendres avec une torche à plasma…

L’établissement public Paris La Défense réfléchit à une revitalisation du dédale inexploité sous la dalle selon deux « fils d’Ariane » : la liaison avec la surface et la continuité entre des espaces aujourd’hui compartimentés. Lesquels représentent quelque chose comme cent mille mètres cubes sur plus de trois cents mètres de long et jusqu’à douze mètres de hauteur ! D’où l’on pourrait enfin revoir frissonner Le Monstre

30 m le long
15 m de large
8 m de haut
12 tonnes

 

Contre-plongée

Il faut accorder un peu de temps au regard pour comprendre ce qui se trame dans cette vue en contre-plongée de la Grande Arche… À la manière d’un test de Rorschach – ces taches d’encre soumises à l’interprétation de qui regarde –, les plans se succèdent entre la toile en fibre de verre du « nuage » et les fenêtres des bureaux en perspective, de part et d’autre de l’axe de symétrie. Les plus imaginatifs, repérant au centre la silhouette d’un être humain, pourraient la rapprocher du plan du quartier de La Défense : le « corps » d’origine en forme de poire surmonté de la « tête » Arche Ouest… Chez un esprit facétieux, cela pourrait passer pour une symbolique poétique de ce qui constitue l’essence de Paris La Défense : plans d’aménagement, axe historique et perspectives d’évolution !

Portée de 80 m
Surface 3 500 m2

 

L’histoire en sous-sols

 

Inaugurée en 2023, la Cité de l’Histoire s’affiche comme un spectacle à la portée de tous – et spécialement de qui redoute les conférences savantes –, une mise en scène théâtrale et cinématographique du « roman national » envisagé comme un livre d’aventures dont la table des matières déroulerait mille ans d’histoire de France. Le Couloir du temps arpente 400 dates historiques équipées de bornes interactives. La projection César nous immerge à 360° dans l’Antiquité romaine. Et c’est La Clef des siècles qui nous ouvre le plus amusant des parcours immersifs, en 17 salles à l’ambiance et aux décors plus vrais que nature, animés par des comédiens. On s’y inquiète des raids vikings en vallée de Seine au IXe siècle, on croise Jeanne d’Arc, Napoléon, de Gaulle… Ou, comme ici, l’un des instituteurs de la Troisième République, devant le tableau noir citant Victor Hugo en cursive à la craie : « Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne ».

6 000 m2
17 salles
12 siècles d’histoire
1 projection 360°
26 bornes tactiles

Jardin urbain

« À propos du voluptas de l’urbaniste, du plaisir de marcher en ville, ce jardin est un de mes endroits secrets préférés, au pied de la tour d’écorce et de sève du hêtre pleureur. “ Peut-être les terrasses de ce jardin ne donnent-elles que sur le lac de notre esprit ”, Italo Calvino savait de quoi l’invisible des villes était fait, un jeu de miroir, un reflet de lumière sur une façade en verre. Ce fut le premier des jardins ouverts sur la dalle. On ne va pas non plus se mentir, ce n’est pas encore l’ordonnancement classique du jardin Grand Siècle à la manière de Le Nôtre, mais ne souriez pas, il y a quelque chose dans tous les projets d’aménagements végétalisés le long de l’axe de béton qui plonge dans ces racines historiques. J’aime surtout m’asseoir ici les midis après la pluie, à la table de pique-nique avec un sandwich club et un soda, pour une pause inattendue sur l’autoroute du quotidien. L’odeur aigre des trottoirs mouillés, un mélange de pétrichor, d’ozone et de bitume expliquent les chimistes, est différente de ce côté-ci de la ganivelle, elle a le goût de l’humus des forêts et celui d’un avenir plus vert. »

3 hectares
2 cépées de bouleaux
Arbres fruitiers, arbustes à petits fruits, plantes aromatiques et médicinales
Jardin partagé à l’angle nord-est

 

Vivre au rivage…

C’était une friche urbaine, une « parenthèse à ciel ouvert », une « folie » à Nanterre comme on désignait autrefois les campagnes feuillues en lisière de ville. C’est aujourd’hui un jardin des possibles – on y prend le vert, on jardine, on musarde – un entre-deux reliant plusieurs mondes, animé par les associations Yes We Camp et Vive les Groues. Ce sera demain un nouveau quartier de La Défense à la sobriété énergétique très surveillée, estudiantin et résidentiel. Et c’est par-dessus tout un quartier connecté : à ses voisins de Nanterre, Courbevoie et La Garenne-Colombes par les circulations douces, à toute la région par le RER E et la future ligne 15 Ouest du Grand Paris Express. Car quand La Défense s’est implantée à partir des années cinquante, la dalle et ses sous-sols ont dressé une citadelle ceinturée de bitume, enclavée, coupée de son environnement. Paris La Défense, dans ses aménagements d’aujourd’hui et de demain, négocie les frontières topographiques pour, en quelque sorte, « lever le siège » en douceur, et transformer le barrage en rivage.

Horizon 2030 :
10 500 habitants
4 ha d’espaces verts
1 400 arbres plantés
40 % des logements en structure bois
12 000 salariés dans l’Archipel (siège social Vinci)

 

La solitude du grutier

« Depuis Les Groues à Nanterre où une jeune femme prenait le soleil, j’ai traversé toute La Défense à pied pour aller revoir le chantier de la tour The Link, le dernier en date. C’est une double tour « en plein air » avec près de 3000 m2 d’espaces extérieurs, elle coche toutes les cases des exigences économiques, des attentes des salariés et des devoirs environnementaux d’aujourd’hui, une manière d’approcher la solution du problème à trois corps et de travailler, au sol, sur les connexions urbaines entre la dalle et le centre-ville ancien.

Dans les airs, c’est à la solitude du grutier que je pense. « Son “bureau” est une cabine vitrée de deux mètres carrés, située au sommet d’une grue à tour, boîte translucide placée à deux cents mètres de hauteur. Il y monte par un ascenseur qui coulisse le long du fût mais certains jours, pour faire le malin voire épater la galerie, gravit deux à deux les barreaux d’une échelle à crinoline… » Non, je ne vais pas faire le malin à mon tour, la citation, je l’ai piquée telle quelle ou presque dans le roman que lisait la femme à l’orangeade des Groues : Naissance d’un pont, de Maylis de Kerangal, prix Médicis 2010. Une nouvelle fois à La Défense, « voici venu le temps des grues et des flèches, le temps des soudeurs, des boulonneurs, le temps des habiles. »

2 tours reliées
par 30 passerelles (« links ») végétalisées
de 8 m de largeur
Aile Arche : 241 m de hauteur, 50 étages
Aile Seine : 178 m de hauteur, 35 étages
HQE niveau exceptionnel

 

Sculpture à ciel ouvert

Si la statue de La Défense de Paris par Barrias fait figure de dame patronnesse du genre, la sculpture monumentale identifie dans sa descendance un marqueur quasi génétique de la conception à échelle humaine du quartier dont l’art serait le témoignage. On raconte même que les premières sculptures sont arrivées juste après le chamboulement de la première vague de construction, en même temps que les arbres et les pigeons… Les deux comparses de Miró – l’autre est invisible sur la photo – relèvent de la même génération que la Fontaine d’Agam et l’Araignée rouge de Calder qui lui fait face. Ce sont les premiers jalons du parc de sculptures à ciel ouvert qui s’est développé au rythme des saisons de l’aménagement du territoire, entre fertilité économique et aridité des crises – un espace fondateur de la Vallée de la Culture et l’un des rendez-vous du Printemps de la Sculpture. La Défense compte aujourd’hui environ soixante-dix-œuvres disséminées dans l’espace public, autour desquelles l’étrange créature de Miró invite à déambuler, les yeux tout ébaubis comme ceux des enfants.

12 m
Environ 70 œuvres à La Défense
implantées entre 1970 et 2020

 

Palais royal et fenêtre sur cour

À sa naissance, le quartier de La Défense est emmailloté dans un tissu de normes et de contraintes qui planifient une croissance régulée. Les tours de bureaux constituent un « ordre haut » de 100 m sur une surface de 24 par 42 m ; les résidences de la première génération un « ordre moyen » de 4 à 12 étages sur l’« ordre bas » des commerces en rez-de-dalle. Le long de l’axe historique, les ensembles d’habitation héritent des règles de la place des Vosges : forme régulière, construction sur pilotis autour d’un jardin central. Les urbanistes parlent d’une structure en « palais royal » à la française, même si la couleur brique rouge évoque plutôt Fenêtre sur cour à New York… Tout cela change à partir des années soixante-dix quand, pour répondre aux différentes crises – dont la pétrolière – et s’adapter aux évolutions de la société, le plan libère les formes et déplafonne les hauteurs. Ainsi, surplombant le parterre de troènes, d’euphorbes et de fougères, la tour First (2011) est une spectaculaire rénovation-surévélation de 50 m de l’ancienne tour Axa (1974) ; la tour Alto (2020), un cylindre de verre de 150 m remplaçant l’immeuble Saisons (1993).

62 m de hauteur, 7 étages
188 logements
Patio végétalisé planté de 5 hêtres
50 000 habitants à La Défense

Une empreinte dans le ciel

Le Marseillais César se « chambrait » comme on dit chez lui en prétendant avoir entrepris sa série des Pouces par narcissisme. Moulée sur sa main puis agrandie jusqu’au déraisonnable, l’œuvre a connu nombre d’éditions depuis la première en 1965. Celle de La Défense est la deuxième sur notre territoire – l’autre est devant La Seine Musicale – et c’est la plus grande au monde. Ses douze mètres de hauteur auraient cependant pu disparaître dans le ciel, dérisoires entre la tour T1 (185 m) et la tour Séquoia (105 m). Mais c’est la force d’une œuvre d’art de compter sur ses propres ressources, indéfinissables, pour se mesurer à son environnement. La force et l’art également du photographe d’avoir saisi l’angle, composé les plans et fixé l’instant où quelque chose se passe d’infiniment supérieur à la réalité. À propos du Pouce de César, on parle souvent de totem monumental, d’élan vertical, de la confrontation de la forme organique à la rigueur de l’architecture. Mais dans nos tours et détours, il nous apparaît surtout comme un symbole subtil de ce qu’est La Défense : une empreinte sur notre environnement, vivante, unique et infalsifiable.

12 m
18 tonnes
Rénové en 2015

 

D'or et de lave

« Ensemble, nous avons croisé dans nos tours et détours à La Défense la silhouette de quelques lauréats du Pritzker Price, considéré comme le « prix Nobel » de l’architecture. Ieoh Ming Pei, l’architecte de la tour Légende, Christian de Portzamparc, celui de La Défense Arena et de l’hôtel du Département des Hauts-de-Seine, Norman Foster sur un projet. C’est ici Jean Nouvel, concepteur d’une tour de dernière génération, parée de centaines de brise-soleil, auréolée de six labels environnementaux et couronnée de poutres en métal mordoré à la manière prestigieuse des obélisques antiques. L’or que l’on remarque avant tout, c’est celui des feuillages de l’arbre d’où la tour semble s’élever, comme si ses racines puisaient dans la nature pour s’épanouir tout là-haut sur une promenade arborée aux vues panoramiques. Hekla est le nom du volcan le plus actif d’Islande, souvent encapuchonné de nuages. »

220 m de hauteur
48 étages
HQE niveau exceptionnel
252 m au-dessus des quais de Seine, point culminant de La Défense

 

Moby Dick !

Ancien échangeur routier métamorphosé en promenade suspendue pour usagers piétons et cyclistes, la Rose de Cherbourg marque la volonté de Paris La Défense de se projeter vers l’avenir : son XXIe siècle sera décarboné, ses usages diversifiés, ses circulations vertes. Mieux qu’un avenir, c’est un destin. La fin annoncée du règne absolu des monstres à moteur thermique au souffle de monoxydes !

Ici, devant la tour Hekla et le YouFirst Campus, la résidence étudiante qui lui sert de figure de proue, c’est l’image de Moby Dick qui remonte respirer à la surface du réel. Par la configuration en spirale de la passerelle, sa navigation ondoyante entre les espaces végétalisés, par l’impression fugitive de vagabonder, comme dans une galerie de l’évolution en plein air, à travers le squelette de quelque cétacé géant… Plus qu’une aventure, le Moby Dick de Melville est un roman encyclopédique d’initiation – ce qui ne manque pas de sel dans un quartier qui s’affirme de plus en plus comme un creuset de créativité pour étudiants au sein d’un campus intégré !

600 m de long
1,5 ha de parc, 270 arbres
70 000 étudiants à La Défense
Plus de 50 établissements d’enseignement supérieur

 

À bicyclette

Dès l’entre-deux-guerres, les architectes urbanistes rangés derrière le panache de Le Corbusier théorisaient la séparation des fonctions de la ville en soumettant ses soubassements à l’autorité des circulations automobiles – à l’époque, les seules d’avenir. Les villes nouvelles, bâties sur dalle au-dessus du sol naturel, gagnaient à la surface une liberté trompeuse qu’elles perdaient dans les sous-sols devenus infranchissables par le riverain. Dans une volonté de remédier aux discontinuités et de proposer aux usagers des circulations apaisées et plus intuitives, Paris La Défense développe, dans le cadre d’un plan vélo en tandem avec celui mis en œuvre par le Département, un réseau fluide de pistes cyclables au-delà et en deçà de la dalle, en réaménageant par exemple le boulevard Patrick-Devedjian.

47 % de pistes cyclables en plus depuis 2019
1 100 arceaux soit 2 200 places dont 635 sécurisées
Trajet vélo Esplanade-Porte Maillot : 15 minutes,
Esplanade-Étoile : 23 minutes
Objectif 2030 : 9 km de voies supplémentaires sous la dalle,
50 000 cyclistes

 

Delta vert

La Fabrique et L’Atelier, les deux bâtiments historiques conservés, se souviennent de l’usage d’autrefois, quand le site était occupé par les Papeteries de la Seine d’où sortaient au début du XXe siècle les rouleaux destinés à l’impression du Petit Parisien. Les noms des cinq bâtiments nouveaux signent la matière et l’ambition de cet éco-campus ultra-bas carbone : Cèdre, Épicéa, Amandier, Douglas, Biloba ! Bureaux, services, lieux de vie modèles de sobriété grâce à la géothermie et la réutilisation des eaux de pluie, l’Arboretum jouxte le parc départemental du Chemin-de-l’Île ; La Défense s’y prolonge dans un « delta vert » qui prend des couleurs de Louisiane… Certes, pas d’écrevisses mais des crickets à ailes bleues, pas d’alligator non plus mais des lézards des murailles – espèces protégées de l’écosystème –, et puis des fruits et légumes produits sur place pour fournir les restaurants.

126 000 m2
17 000 m2 de terrasses, un parc privatif de 6 ha
1 000 arbres

 

Monolithe noir

« Ne croyez pas que j’exagère avec mes références de science-fiction… Une tour Air2 avait été imaginée à proximité de la tour D2 afin de saluer symboliquement le petit robot de Star Wars ! Et l’inspiration du monolithe primordial dans le film 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, sorti en 1968, est revendiquée par les architectes américains de la tour CB1 Areva. La rigueur abstraite de la façade recouverte de granit noir et de verre fumé tient à un subterfuge : les fenêtres s’élargissent d’étage en étage vers le sommet pour déjouer la perspective et imposer un bloc énigmatique.

C’est ici que je m’efface, comme les nuages, là-haut, là-haut, les merveilleux nuages, sur une dernière référence musicale, le Requiem de Ligeti dont les strates vocales ascendantes, de l’obscur vers l’éclat, accompagnent chaque apparition du monolithe dans le film de Kubrick. “ L’architecture est une musique prise dans la pierre ”, suggérait Goethe; “ la musique, une architecture mobile ”, répondait Xenakis qui était compositeur et architecte, ingénieur assistant de Le Corbusier. La boucle des tours est bouclée. »

178 m de hauteur, 46 étages
IGH de deuxième génération

 

Jingle Bells

Si le parc départemental André-Malraux joue, à La Défense, le rôle de Central Park à New York, le marché de Noël interprète depuis trente ans la partition des Jingle Bells dans un espace festif apparenté au londonien Winter Wonderland sur Hyde Park ! À la française évidemment : les santons de Provence résistent encore aux elfes ; pain d’épices, raclette, boudin créole et foie gras remplacent le traditionnel Christmas pudding à la graisse de rognon. Sur plus d’un hectare et avec un bon million et demi de visiteurs la saison dernière, le marché de Noël de La Défense s’affirme fièrement comme le plus important d’Île-de-France. À mi-chemin entre l’activité économique et le sens de la fête, il contribue à hisser le quartier – qui compte 180 000 m2 de commerce et de restauration – au rang d’une des plus importantes destinations « shopping » d’Europe. Tout en revitalisant l’espace l’hiver en dehors des heures ouvrables du business, comme le font l’été le Garden Parvis et La Défense Jazz Festival.

450 m2 de patinoire
250 chalets en bois
12 tentes gastronomiques
Sapin monumental de 12 m de haut

 

Sous les jardins de neige

Quand, en 1989, la Grande Arche était posée à l’extrémité ouest de l’axe historique, elle en marquait la fin brutale : au-delà, c’était les autoroutes et les échangeurs. Cependant, sa forme en arc laissait entrevoir un futur possible sur un prolongement, le triomphe de la perspective. Une fois enterré – au sens propre – l’aménagement autoroutier, la voie s’avérait libre pour réparer le tissu urbain sous la forme de terrasses paysagères. Puisque l’A14 circule dessous, comme dans un monde à l’envers de la surface sur lequel il est impossible de construire, les nouveaux îlots immobiliers, alternant logements et bureaux sur des rez-de-chaussée commerciaux, épousent la morphologie du terrain uniquement sur sa rive nord, où se reflète le soleil. Les Terrasses de l’Arche sont disposées de manière à faciliter les circulations douces, à la fois le long de l’axe de Nanterre à La Défense, et latéralement entre les nouveaux quartiers et les anciens, du côté de la station de RER Nanterre-Préfecture et plus loin le parc départemental André-Malraux.

17 Terrasses
30 m de large
600 m de long
50 m de dénivelé

 

Et au-delà, l’infini

Que l’on commence nos tours et détours ici, dos à la Grande Arche vers la Seine à Nanterre, ou de l’autre côté, sur la Seine vers Paris, on n’en a jamais fini, à La Défense, avec la perspective ! La perspective historique d’abord, où se répète la formule de l’arche jusqu’à la redite ; elle part du Carrousel du Louvre, passe par l’Arc de Triomphe, traverse le quartier sous sa Grande Arche pour filer ici, sur la jetée suspendue au-dessus des Jardins de l’Arche, vers les Terrasses de l’Arche jusqu’au parc départemental du Chemin-de-l’Île. La perspective géométrique ensuite, dont on sait que les parallèles ne se rejoignent qu’à l’infini, soulignant à main droite la silhouette musclée qui juxtapose le nouvel hôtel du Département et Paris La Défense Arena : stade de rugby du Racing 92, le club des Hauts-de-Seine  ; la plus grande salle de spectacle d’Europe, inaugurée par les Rolling Stones devant 40 000 personnes ; espace de renommée internationale depuis les épreuves de natation aux Jeux Olympiques de Paris 2024, 900 000 spectateurs et les exploits de Léon Marchand. La perspective d’avenir enfin, celle d’un quartier engagé dans une démarche de diversification des usages et d’ambition environnementale sans précédent à cette échelle : devenir le premier quartier d’affaires post-carbone au monde…

 

450 m de long, 8,5 m de large
de 6 à 12 m de hauteur
Bois tropical et acier