Uzi Freyja, les lauréats du prix Chorus 2023 au festival Rock en Seine

La charismatique Kelly Rose mitraille son flow révolté, servie par l’electro-rock de son acolyte Stuntman5. Les lauréats du prix Chorus 2023, dont le live incendiaire n’est pas le point faible, sont attendus samedi 26 août au festival Rock en Seine.

 

Uzi Freyja. Le nom sonne comme la rencontre d’un parapluie et d’une machine à coudre au milieu d’une salle de concert. « Uzi », un nom emprunté au pistolet-mitrailleur israélien, c’est le flow percutant de Kelly Rose dans l’écrin sonore millimétré de Stuntman5. « Le “Uzi” représente les sentiments que je refuse d’exprimer et que je refoule. » Quant au terme Freyja, il renvoie à une créature de la mythologie nordique, « une déesse qui a de la douceur et de la sensualité en elle mais aussi beaucoup de rage, qu’on ne voit pas au premier abord, poursuit Kelly Rose. Ces deux termes représentent aux trois quarts ce que je suis. »  En live, où elle est une maîtresse de cérémonie impérieuse et habitée, la ressemblance en devient frappante. « C’est sur scène que je suis 100 % la personne que je veux être », dit-elle. A chaque concert, c’est la même urgence de se dire pour celle qui a été trop « longtemps bridée ».

La musique est une thérapie. Elle me permet d’être la plus sincère et la plus honnête possible, avec les autres mais surtout avec moi-même. 

« Poser un 16 »

La rencontre d’« un boomer perdu dans ses sons électroniques et d’une rappeuse qui ne savait pas encore écrire », peut-on lire sur la page du groupe, eut lieu lors de la fête de la musique 2019 à Nantes, à la faveur d’un freestyle inattendu. « L’ami qui m’accompagnait a dit “ il y a Kelly Rose qui va poser un 16” » (un couplet de rap). Elle marque un temps d’hésitation : « Ce n’est pas la même chose de te produire devant tes potes et dans la rue devant des inconnus. » Dans la foule il y a Stuntman5 et sa famille. « Elle envoyait comme il faut et avec de la prestance », se souvient ce compositeur et producteur electro-rock qui s’est « toujours intéressé au rap ». « La rencontre avec Kelly Rose n’était pas contre nature. » Depuis ils ont sortis deux EP, Stand en 2021, puis Lunacy en 2022. En 2023, année faste, ils intègrent le Chantier des Francofolies, avant de rafler le prix Chorus et le Coup de Cœur « Rock en Seine ». Avant de se pencher sur leur premier album, le duo qui fera étape le 26 août au Domaine national de Saint-Cloud, se laisse encore un fol été de live. Sur leur route, des pointures comme Robbie Williams, s’émeut-elle. Une accélération « un peu flippante » après des débuts dilettantes : « J’étais en mode “on s’amuse mais je dois payer mon loyer”. Quand j’ai constaté l’engouement, je me suis dit que j’étais en train de passer à côté de quelque chose. Aujourd’hui, ce projet n’est plus un hobby ».

Prise de pouvoir

Longtemps, dévoile-t-elle sans s’y étendre, elle a eu l’impression « de ne pas avoir de bonne étoile dans la vie ». Si des cahiers servirent d’abord d’exutoire, aujourd’hui les chansons sont autant de « chapitres » de son histoire, ponctuées de punchlines bien senties. « Je raconte des expériences que j’ai vécues de la manière dont je le ressens, ce n’est pas fait pour choquer. ». Ainsi du racisme dans Black, écrite peu avant l’affaire George Floyd, ou des chagrins d’amitié dans Extie, même si l’affirmation de soi et le rejet des relations toxiques se taillent la part du lion. Dans cette veine figurent Power, Fous-moi le camp, Pussy qui la voit scander « my pussy, my choice ». 

Une seule vie

Dans Jealousy, elle évoque ses propres complexes et les injonctions à faire autrement parce qu’elle n’a pas la « gueule de l’emploi ». « On m’a beaucoup cassé les pieds sur mon corps, ma peau, mon poids, ma façon d’être... En fait, je m’en fous. Je n’ai qu’une seule vie et les gens ne seront jamais contents ».  Elle ne changera pas sa façon de s’habiller et n’abandonnerait pour rien au monde le pidgin anglophone du Cameroun dans lequel elle chante. « La musique est une thérapie. Elle me permet d’être la plus sincère et la plus honnête possible, avec les gens mais surtout avec moi-même, répète-elle. Si, en plus, des personnes qui, trouvent refuge dans ce que je fais, ça me fait extrêmement plaisir ».  Entre rock, électro, hip-hop, grime ou dubstep, Stuntman5 s’adapte avec brio pour coller à cet univers à la fois sombre et furieusement rythmé, il faut voir cette danseuse-née twerker, toute de hanches et de fesses dans le clip de la chanson Da Bunda. Liberté de ton, de mouvement, de son… derrière le nom énigmatique d’Uzi Freyja se cache ainsi une proposition on ne peut plus franche dont l’attrait réside dans l’absence d’apprêts, déjà étiquetée comme un « rap punk » à la française.

Pauline Vinatier pour HDS.mag n°89, juillet-août