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Portrait de femme (2020) Laurence Equilbey : "J'aime faire entendre la juvénilité de Beethoven"

Portrait de femme (2020) Laurence Equilbey : "J'aime faire entendre la juvénilité de Beethoven"

Les 250 ans de la naissance de Beethoven

Laurence Equilbey, Insula orchestra et La Fura dels Baus célèbrent avec Pastoral for the Planet les 250 ans de la naissance de Beethoven, lanceur d’alertes sur les bouleversements de la nature.

 Mes interprétations cherchent une forme d’universalité, parce que j’ai envie de parler à énormément de personnes, aux jeunes, aux enfants. Je ne cherche pas une signature.

Interview

Comment l’idée de ce projet autour de la Sixième Symphonie et du climat est-elle née ? Au moment du Beethoven Pastoral Project des Nations Unies ?

Non, curieusement, avant. J’en avais parlé à Carlus Padrissa, l’un des directeurs artistiques de la compagnie La Fura dels Baus, pendant notre collaboration sur La Création de Haydn. J’avais en tête beaucoup de musiques de tempête, d’orage, de submergement – on ne disait pas encore tsunami à l’époque – qui conduiraient vers la Pastorale de Beethoven entendue comme un hymne à la nature, un hymne à la paix, quelque chose de très positif. Le nom de code était déjà Pastoral for the Planet… Et il se trouve que les Nations Unies ont lancé leur Pastoral Project à l’occasion de la Cop 23, qui se tenait à Bonn, la ville natale de Beethoven. Nous nous inscrivons bien entendu dans cette démarche, et c’est un hasard qui prouve que les artistes ont peut-être des antennes un peu plus longues que la moyenne…

Quelle forme le spectacle va-t-il prendre ?

Il sera en deux parties, mises en scène et en images par La Fura dels Baus, qui travaille avec Mihael Milunović, un plasticien serbe. La première partie est celle du chaos, sur des musiques de guerre et de désastres à peu près contemporaines de Beethoven. La Symphonie pastorale constitue la seconde partie, dédiée à la reconstruction. Il y aura de l’intelligence artificielle qui modifiera les couleurs du décor selon les émotions filmées de spectateurs volontaires. Elle participera aussi à la fin alternative décidée par le public à travers une appli : en fonction du choix entre optimistes et pessimistes, la mise en scène et la musique changeront. Les fins alternatives ont déjà existé, du temps des spectacles de Robert Hossein par exemple, mais c’est sans doute la première fois que l’IA et l’interface numérique seront mises en jeu dans un concert.

La Pastorale est une symphonie inspirée par la nature : quelle est-elle, cette nature, pour Beethoven ?

D’un point de vue philosophique, l’époque vivait une transition entre un monde centré sur la question du sacré, spécialement chez les compositeurs, et un monde qui croit de plus en plus à une forme de progrès. Donc apparaissent de nouvelles formes de mysticisme religieux : la religion de l’art, la religion de la nature, qui fascinent un poète comme Novalis. Quand on suit les sentiers de promenade de Beethoven à Mödling, à côté de Vienne où il résidait, on comprend comment il a écrit la Pastorale. Mais la nature est également perçue comme un ensemble de systèmes dans une mécanique qu’on a envie de démonter pour découvrir comment elle marche. Il faut se rappeler combien les romantiques étaient passionnés par les automates, le progrès mécanique et industriel.
Alors, quel est votre Beethoven ?

Un être hybride, à plusieurs têtes. Les couleurs de certaines mélodies viennent du monde de Haydn mais on entend chez Beethoven un langage en train de changer. C’est pour cela que je dis souvent que plus on se rapproche de ce que le compositeur voulait dire, plus la résonnance avec notre époque est forte. Cette dichotomie entre vivre dans le monde ancien et chercher le monde nouveau apparaît dans l’harmonie par exemple, ou quand on sent que l’instrument se transforme. C’est ce qui est intéressant : l’instrument sera obligé de s’adapter à cette nouveauté d’écriture. J’aime beaucoup cette période : politiquement et musicalement, les choses sont en train d’évoluer, et c’est ce monde changeant que j’adore faire entendre dans Beethoven. Parce qu’avant le Beethoven sévère, enfermé dans sa surdité, il y a eu un jeune homme ardent, un jeune homme amoureux.

Propos recueillis par Didier Lamare pour HDS;Mag

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En avant-première, une maquette de la scénographie de "Pastoral for the Planet". DR

"Pastoral for the Planet"
Auditorium de la Seine Musicale, les 26 et 27 février 2020 à 20h30
www.insulaorchestra.fr

www.pastoralproject.org