Quels leviers pour rendre nos territoires plus durables ?

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Environnement et cadre de vie Mon département

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Georges Siffredi, le 26 mai dernier au Musée départemental Albert-Kahn, dans le cadre d'une conférence organisée sur le thème des territoires durables.CD92 / WILLY LABRE
Comment initier des politiques publiques qui intègrent les enjeux de la transition écologique ? Quelles actions engager pour poser les bases d’un Département « bas carbone » et attractif ? Le 26 mai dernier, une réflexion prospective était organisée dans le cadre des Entretiens Albert-Kahn (EAK), le laboratoire d’innovation publique du Département.

« Transformer les contraintes du changement en opportunités », c’est ainsi que Georges Siffredi a ouvert les Entretiens Albert-Kahn vendredi 26 mai à Boulogne-Billancourt. Des contrats de performance énergétique dans les collèges (CPE) au référentiel bâtimentaire bas carbone, en passant par le plan vélo ou la politique de l’eau, le président du Département a rappelé les actions déjà engagées et a défendu une approche « holistique » : « C’est dans cet esprit que nous bâtissons actuellement notre Agenda 2030, pour définir une stratégie globale et cohérente qui implique l’ensemble des domaines de compétences de notre collectivité. » Cet Agenda 2030 sera adopté d’ici la fin de l’année. « L’adoption de modes de vie durables est nécessaire et utile car elle peut changer le court terme mais elle ne peut se suffire à elle-même, a souligné Carine Dartiguepeyrou, secrétaire générale des EAK. Pour engranger une réelle transition écologique, il faut agir aussi au niveau des politiques publiques et des acteurs économiques ».

"Fin de mois et fin du monde"

Premier invité, Jacques Theys, prospectiviste et spécialiste français des questions d’environnement, s’est attaché à présenter les scénarios de la ville post-carbone à 2050. Il a insisté sur les temporalités – investir au bon moment - et l’articulation du court et du long terme. Le défi : construire des politiques prenant en compte les « fin de mois et fin du monde » sans les opposer.  « Il y a le temps du quotidien, du politique, des cycles décisionnels, le temps du développement durable qui doit prendre en compte la préservation des ressources pour les générations futures, et le temps anthropocène, les cycles de la nature, qui se construisent sur plusieurs siècles avec des temps de catastrophes : la “longue urgence” ». Jacques Theys a aussi mis en exergue plusieurs chemins de transition possibles, avec des inerties et des irréversibilités à prendre en compte. En conclusion, il a indiqué qu’aucun de ces six scénarios, à lui seul, ne permettait d’atteindre les objectifs, d’où la nécessité de combiner certains d’entre eux. L’enjeu est selon lui de mieux articuler action et direction, tout en agissant sur le court terme et en répondant aux urgences sociales.

Empreinte numérique

Eric Vidalenc, responsable régional de l’ADEME, s’est penché sur la double transition écologique et numérique : « il y a deux visions antagonistes : ceux qui disent qu’écologie et numérique vont s’articuler “naturellement” et les partisans du low tech arguant que le numérique nous détourne des vrais enjeux. » Par exemple, la 5G permet de faire transiter des données avec moins d’énergie. Mais avec l’explosion des objets connectés, il n’y aura bien plus de données en circulation et donc aucune économie d’énergie à la clé. Selon lui, l’idée que la dématérialisation serait bénéfique pour l’environnement est fausse : son empreinte carbone est au contraire importante car, pour fabriquer les équipements, il faut beaucoup de matières premières – cobalt, cuivre, etc – dont l’extraction est très polluante. « Aujourd’hui, il n’y a que 20 % des déchets électroniques qui sont recyclés dans le monde, précise-t-il. Il préconise cette règle : réduire, substituer, mutualiser : « Nous avons en France une flotte de 40 millions de véhicules, à l’arrêt 95 % du temps. Est-ce souhaitable d’électrifier une telle flotte ? » Pour lui, le numérique peut ici avoir toute sa place pour mutualiser nos voitures et réduire leur nombre : le numérique ne doit pas se substituer à la sobriété mais l’optimiser.

Le Département à l'action

Alexandre Bernusset, directeur général adjoint au Département, intervient à son tour pour présenter la politique bas carbone du Département. Il souligne les liens entre attractivité et environnement, avec deux images - Paris La Défense et le parc de Sceaux bondé lors de la fête Hanami – et le sondage « Villes vertes » du Parisien : onze communes des Hauts-de-Seine sont classées parmi les vingt premières. « Sur l’horizon local/global, nous poursuivons deux axes : l’atténuation – avec la réduction des gaz à effet de serre et l’objectif de neutralité carbone en 2050 – et l’adaptation au réchauffement climatique avec la gestion d’épisodes météo extrêmes. » Il met en avant trois exemples d’action départementale : La Défense avec la rénovation du boulevard Circulaire et la végétalisation de la dalle, la stratégie nature du Département - 100 % des habitants à moins de quinze minutes d’un espace vert - et la politique de l’eau avec l’amélioration de l’assainissement et la reconquête des berges.

Les exemples à suivre

Isabelle Delannoy, agronome, développe une approche systémique qui relie nos actions, les ressources utilisées pour les produire et les limites planétaires. « Aujourd’hui 75% des services écologiques dont dépend l’habitabilité de la Terre sont dégradés », note-t-elle. Elle a créé l’Entreprise Symbiotique pour répondre à ces enjeux en utilisant les services écologiques rendus par le vivant qui fournissent nourriture, vêtements, matériaux de construction, filtrage de l’eau, régulation des précipitations, etc. Elle donne l’exemple de la construction de jardins de pluie le long des rues : Ils peuvent fournir un espace vert entretenu par les habitants, du lien social, un îlot de fraîcheur, un espace inondable, un lieu de promenade, une zone d’épuration des eaux : « une économie complète, générative, à l’opposé de l’économie extractive ».
Premier exemple : le Fairphone dont les composants sont tous détachables, réparables, réutilisables, ce qui permet d’extraire moins de matières premières et de baisser le prix de ce smartphone. Deuxième exemple, Portland, une ville sinistrée redevenue attractive en utilisant les principes de l’économie générative et coopérative, et notamment les jardins de pluie et la stratégie de la « ville du quart d’heure ». De même, Roubaix, engagée comme ville pilote en économie circulaire, génère également de nouveaux revenus. Ou Dunkerque qui utilise les « Toiles », un outil de prospective qui donne une vision complète de l’écosystème local (industriel, énergétique, agricole…) et attire ainsi de nouvelles entreprises. Elle défend le modèle de ces « villes reliantes »* et conclut sur la nécessaire synergie à développer entre infrastructures vertes, économie, lien social et prospérité partagée.

* « Les villes reliantes. Favoriser les liens pour humaniser les territoires urbains », 2019.
Préface d’Isabelle Delannoy. Coordination éditoriale de Jérémy Dagnies, Antoine De Borman.

 

Retrouver leurs interventions en intégralité sur le site des EAK, eak.hauts-de-seine.fr