En transit

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Culture

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Demain, demain, II. Gennevilliers, cité de transit. 51, rue du Port. 1973, de Laurent Maffre. Acte Sud BD. Arte Éditions, 2019.Du même auteur : Demain, demain, I. Nanterre, Bidonville de la Folie, 1962-1966. Acte Sud BD. Arte Éditions, 2012.
Ils ont connu les bidonvilles de Nanterre. Ils sont relogés dans des cités de transit. Avec Demain, Demain, une bande-dessinée entre fiction et documentaire, Laurent Maffre nous plonge dans le quotidien des habitants de celle de Gennevilliers, le Port 51.

Si tout le monde a entendu parler des bidonvilles de Nanterre, rasés en 1971, qui se souvient des cités de transit ? L’État les définit, dans une circulaire de 1972, comme «un ensemble d’habitation affectées au logement provisoire des familles dont l’accès en habitat définitif ne peut être envisagé sans une action socio-éducative destinée à favoriser leur insertion sociale et leur promotion». Concrètement, il s’agissait de baraquements en préfabriqué, clôturés, gérés par la préfecture de la Seine. Onze cités de transit, soit mille logements, sont ainsi sortis de terre à Gennevilliers et à Nanterre, en attendant une offre suffisante d‘HLM.

Au Port 51 à Gennevilliers, en 1973, vivent 150 familles maghrébines, espagnoles, portugaises et yougoslaves. La cité a été édifiée sur un terrain inondable, entre le port, les échangeurs routiers, les pylônes de lignes haute tension et le chantier de l’A86 qui commence. Les hommes travaillent à l’usine, les femmes restent au foyer en rêvant d’un retour au pays. Les enfants jouent, comme tous les enfants, pris entre deux impératifs, se construire ici ou épouser le rêve de leurs parents. Les adolescentes étudient et portent des baskets, les garçons tournent en mobylette, font du foot, se rebellent contre le gérant de la cité, un ancien de l’armée coloniale. Ali, lui, songe à faire du cinéma:un échec terrible du point de vue de ses parents.

L’histoire est fictive, mais le contexte est parfaitement documenté : La future Défense en pleine construction, des grues à perte de vue, les vieux pavillons démolis, les avis d’expulsion pour Raymond et Josiane, les solidarités du bidonville qui se brisent au fur et à mesure que sont relogés les familles, Georges Pompidou et Jacques Chaban Delmas qui parlent à la télévision... Les reconstitutions urbaines sont saisissantes de réalité.

La vie à l’usine est également très fidèlement reproduite : les chaînes de fabrication, les cadences, le geste du soudeur, les équipements de protection, la pression des syndicats, le racisme. Pour faire raisonner La Stoméal, Laurent Maffre, professeur d’arts appliqués, s’est inspiré de plusieurs usines locales : Chausson, Talbot, Simca. Il a recueilli les témoignages d’anciens habitants, fouillé les archives, l’INA, il s’est nourri de cinéma et de programmes télévisés de l’époque. Sobre et dense, son trait est juste. Sur ce passé tout proche, son histoire projette une belle lumière, à la fois crue et optimiste. 

Laurence De Schuytter

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Demain, demain, II. Gennevilliers, cité de transit. 51, rue du Port. 1973, de Laurent Maffre. Acte Sud BD. Arte Éditions, 2019.Du même auteur : Demain, demain, I. Nanterre, Bidonville de la Folie, 1962-1966. Acte Sud BD. Arte Éditions, 2012