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Etoffes et littérature. Les textiles dans la littérature au XIXe siècle

Etoffes et littérature. Les textiles dans la littérature au XIXe siècle

À partir du 22 janvier, la Maison de Chateaubriand plongera ses visiteurs dans un univers chatoyant conçu avec la maison Pierre Frey, éditeur et fabricant de tissus d’ameublement. Au coeur du sujet, l’intérêt des écrivains pour les textiles, aussi bien dans leurs intérieurs que dans leurs romans.

Parures d’intérieurs

Étoffes narratives

"On se demandait par quels procédés les rideaux pendus aux fenêtres avaient pu subsister si longtemps, car ils étaient en calicot jaune imprimé de rosace rouge de la fabrique de Jouy. Oberkampf avait reçu des compliments de l'Empereur pour ces atroces produits de l'industrie cotonnière en 1809."  

Honoré de Balzac, Le Cousin Pons (1847)

Dans les riches demeures du XIXe siècle, les tissus d’ameublement recouvrent quasiment tout, du sol au plafond. Des tentures se déploient sur les murs, des rideaux et drapés encadrent portes et fenêtres, des étoffes habillent le mobilier, les lampes… Le public est friand de descriptions détaillées d’intérieurs de personnalités en vue, d’artistes, dont les écrivains, qui se prêtent au jeu et mettent en scène leur décor quotidien. La première partie de l’exposition s’intéressera ainsi aux textiles commandés par les auteurs pour leurs intérieurs. « Leurs goûts et leurs choix sont analysés et illustrés en s’appuyant sur des témoignages, des peintures, des gravures et des photographies, mais aussi sur de rares documents inédits tels que des archives de tissus anciens et des recueils de commandes auprès de fabricants de textiles », décrit Anne Sudre, responsable de la conservation à la Maison de Chateaubriand et co-commissaire de l’exposition. À l’évocation de l’intimité des écrivains, de leur lieu de vie, répondra la présentation de l’édition originale d’un ouvrage écrit dans ce même décor.  « Dans la sphère privée, chacun d’entre eux exprime ses goûts personnels  avec l’aide ou non d’un tapissier. Balzac a recours aux conseils de Monsieur Lefébure pour meubler l’hôtel de la rue Fortunée. Hugo a donné une dimension symbolique à sa maison où les références à ses écrits, sa vision du monde, sont omniprésentes. Les tissus y abondent du sol au plafond, reflétant bien la folie du textile de l’époque. Bien que Maupassant fasse également appel à un tapissier nommé Kakléter, il
s’implique dans le choix des étoffes et dans l’aménagement de son intérieur, comme le rapporte son valet de chambre. Zola  mélange les styles. Il semble acheter pour acheter, un peu pêle-mêle, au hasard de sa fantaisie, suivant les caprices de son oeil, la séduction des formes et de la couleur, sans s’inquiéter comme Goncourt des origines authentiques et de la valeur incontestable. Cette appétence pour les étoffes et la décoration trouve son paroxysme chez Edmond de Goncourt. La maison qu’il habite à Neuilly avec son frère fait l’objet d’une publication, La maison d’un artiste, dans laquelle il décrit avec minutie tous les objets qui la composent. »

Descriptions de toilettes et d’intérieurs envahissent le roman réaliste, comme l’illustrera la deuxième partie de l’exposition consacrée aux « étoffes dans la littérature ». Mêlant styles, époques et influences, Balzac, Hugo, Sand, Goncourt, Zola et Maupassant garnissent leurs romans de tissus décoratifs. Anne Sudre précise le parti pris de la présentation : « Nous voulons montrer comment les
textiles témoignant d’un langage et d’un vocabulaire particuliers ont des fonctions multiples dans les romans. Caractériser une époque, décrire un contexte social, camper des personnages, construire la narration, dépeindre des décors, ou encore évoquer des sens et sensations, autant d’usages que les auteurs font des étoffes dans
Au Bonheur des Dames, Nana, La Conquête de Plassans, Madame Bovary, Le Cousin Pons, Bel-Ami... » Leurs oeuvres se confronteront à d’autres sources, iconographiques, photographiques ou peintes, à des documents textiles et à des archives pour déterminer si la narration s’appuie sur des pratiques décoratives existantes ou si elle est fantasmée. Pour donner vie et relief à ces descriptions, une galerie de tissus accompagnera les citations issues des romans : les visiteurs pourront toucher des échantillons de percale, de sergé, de moire, de brocatelle, de damas, de velours d’Utrecht ou de Gênes, ou encore de lampas et de brocart… La présentation des métiers dédiés, tapissier, grisette, blanchisseuse ou vendeur, incontournables dans les romans, reflétera les transformations apportées par la révolution industrielle.

Chateaubriand et les étoffes

Un aparté, en guise de conclusion, s’intéressera aux représentations des oeuvres de Chateaubriand dans les arts décoratifs. On y admirera « Le riche répertoire iconographique inspiré par Atala (1801),Les Martyrs (1809) et Les Aventures du dernier Abencerage (1826). Alors que Chateaubriand épisodes particulièrement appréciés de ses célèbres romans, surtout Atala, se déploient sur de riches toiles imprimées, en peinture, sculpture, gravure, et se déclinent sur des assiettes, vases et autres pendules. » À mi-chemin entre histoire littéraire et arts décoratifs, l’exposition se poursuivra tout naturellement dans les collections permanentes de la Maison où de nombreuses étoffes ornent les salles dans l’esprit du XIXe siècle. Les murs de la chambre de Chateaubriand, récemment rénovée, arborent ainsi un « nouveau » tissu à la place du papier peint. « Il s’agit d’une création à partir d’une pièce d’archive Lampas Premier Empire, dont le motif et les rayures néo-classiques, assez simples, sont caractéristiques des années 1810-1820, détaille Pierre Téqui, chargé de la conservation de la bibliothèque à la Maison de Chateaubriand. L’archive en question est issue des collections de la maison Le Manach, rachetées par la maison Pierre Frey, qui a recréé le motif et fabriqué le tissu imprimé. Juste à côté, les murs de la chambre de Juliette Récamier présentent un tissu au motif de l’églantier, d’après une archive de la fin du XVIIIe siècle provenant des collections de la maison Braquenié. » Autant de merveilles qui participent à l’atmosphère de cette maison d’écrivain, à admirer en ce début d’année.

Informations pratiques

Etoffes et littérature . Les textiles dans la littérature du XIXe siècle
Maison de Chateaubriand
Du 22 janvier au 24 juillet
Du mardi au dimanche de 10h à 12h et de 13h à 17h en janvier-février, puis 18h30 de mars à juillet
Tarif : 5 € - Tarif réduit : 4 €
Gratuit pour les moins de 18 ans
Programmation autour de l’exposition sur vallee-aux-loups.hauts-de-seine.fr 

Idée de visite

Le musée de la Toile de Jouy consacre une exposition aux étoffes et à la littérature, plus particulièrement dédiée à « La littérature dans les Indiennes aux XVIIIe et XIXe siècles », en collaboration
avec la Maison de Chateaubriand.
À voir à Jouy-en-Josas jusqu’au 27 mars 2022.
museedelatoiledejouy.fr

Un reportage du Guide vallée-culture janvier-février 2022