Construire une nouvelle politique publique pour les jeunes

4min et 30sec de lecture

Éducation et jeunesse Culture Jeunesse

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« À la logique de l’offre, nous devons substituer une approche novatrice qui replace les jeunes au cœur de nos politiques publiques", a rappelé Georges Siffredi.CD92 / Julia Brechler
Le 21 octobre, « Agir pour le bien-être des jeunes » était le thème des Entretiens Albert-Kahn, le laboratoire d’innovation publique du Département. Une réflexion prospective menée notamment avec le sociologue Camille Peugny et le pédopsychiatre Patrice Huerre.

Après avoir posé le constat d’une jeunesse très hétérogène, mais marquée par la même éco-anxiété et le même sentiment de déclassement, cet Entretien Albert-Kahn pose la question d’un accompagnement rénové des 11-25 ans. Avec trois corolaires « jeunes » à intégrer (identifiées lors de l’atelier de design fiction du 19 mai dernier) : un mode de vie digitalisé, l’attente d’une gouvernance alternative et une ambition de bien-être. Et plusieurs défis à relever pour l’institution : comment parler des dispositifs locaux à des jeunes dont beaucoup les ignorent ? Comment animer le réseaux d’acteurs pluriels en lien avec la jeunesse ? Comment renforcer leur estime de soi ? Comment créer des passerelles entre les jeunes et les entreprises ? Le Département a innové en instaurant les médiateurs éducatifs et en mobilisant les acteurs économiques et ses propres services pour l’accueil des stages de 3e. Il veut aller plus loin en devenant demain l’échelon de référence pour agir collectivement, avec les JO 2024 en locomotive.

Aider à l’autonomie dès 18 ans

Premier invité, le sociologue Camille Peugny a dressé un panorama des politiques jeunesse en Europe, insistant sur le lien « devenir citoyen = devenir autonome », peu encouragé en France par les politiques publiques qui favorisent l’assistance par la famille. Deuxième invité de la matinée, Patrice Huerre, ancien vice-président de la Maison des Adolescents du sud des Hauts-de-Seine, fait le constat de la rapidité extrême des changements, d’adultes désemparés dans leurs missions éducatives, d’une autorité malmenée et d’une crise des transmissions.

Il souligne que le noyau dur des cas psychiatriques graves n’a pas évolué en nombre. Mais il observe, paradoxalement, une plus grande détresse psychologique générale et un pourcentage de jeunes qui vont bien en augmentation. « Aujourd’hui, il ne s’agit plus de transmettre un savoir, a-t-il conclu, mais d’apprendre aux jeunes les moyens de faire face à des événements inédits. » Pour ce faire, il plaide pour la réhabilitation du jeu, en particulier pour les moins de 3 ans, et de l’apprentissage par le jeu en groupes pour favoriser une meilleure santé mentale et retrouver le plaisir d’apprendre.

Créer du lien

Ensuite, Vincent Pacini, chercheur, entrepreneur et professeur associé au CNAM, et Pierre Roustit, coordonnateur de territoire à la direction de l’éducation du Département, ont abordé le parcours des jeunes dans la découverte des métiers avant la phase de l’orientation : ils ont plaidé pour une nécessaire rapprochement de l’école avec les entreprises du territoire, via la création d’un écosystème local favorable. 

« Le Département a un rôle à jouer comme courroie de transmission avec le terrain, ont-ils affirmé. Le nombre d’acteurs est important, suffisant, et pourtant, l’offre n’est pas couverte car les ressources sont éclatées. Il faut remettre du lien, multiplier les immersions professionnelles. Pourquoi pas créer un campus des métiers sur le territoire pour connecter la demande à l’offre, reconnecter les stocks et les flux ? Il faut expérimenter mais aussi massifier, modéliser et déployer très vite une action qui marche dans une gouvernance en mode projet. »

Mieux associer la jeunesse

Puis Jeanne Demoulin, maîtresse de conférences en sciences de l’éducation à l’université de Nanterre, a fait part des résultats édifiants d’une recherche participative ANR Pop-Art sur les quartiers populaires où les jeunes de ces quartiers étaient associés à l’étude et indemnisés au même titre que les chercheurs. Un engagement tenu sur la durée qui a porté ses fruits avec la production d’un livre, d’une pièce de théâtre et de débats pour mettre à jour la stigmatisation et la discrimination subie dans l’accès à la culture, aux études, au logement dans les « beaux » quartiers. Seul bémol, elle regrette que l’étude ait eu peu d’échos dans la sphère politique. Nadia Idorane, conseillère municipale déléguée à la jeunesse à Sèvres, a poursuivi en faisant part de l’expérience du conseil municipal des jeunes qui mènent en autonomie des projets pour la ville.

Là encore, elle relève leur engagement total dans leurs missions dès lors que ce sont eux qui font, les élus n’intervenant qu’en tant que facilitateurs. Aude Romain-Delépine, directrice jeunesse du Département, a conclu la matinée en mettant en avant la volonté du Département de sortir des silos et de coordonner l’action. « À la logique de l’offre, nous devons substituer une approche novatrice qui replace les jeunes au cœur de nos politiques publiques, a rappelé Georges Siffredi. Non pas l’idée que nous nous faisons de la jeunesse et des problèmes auxquels ils sont confrontés, mais les jeunes eux-mêmes, dans leur diversité, en veillant à leur donner la parole et être à leur écoute. »

 

Liens pratiques :

  • L’Entretien Albert-Kahn n°55 : Agir pour le bien-être des jeunes. Comment rendre nos politiques inspirantes ? Consulter le programme ici
  • L’Entretien Albert-Kahn n°53 « Le design fiction, un outil pour inventer le futur des collectivités territoriales ? Retour sur l’atelier Prospective jeunesse (19 mai 2022)
  • Pour réécouter l'entretien intitulé "Explorer l’avenir de manière créative : initiation au design fiction", rendez-vous sur le site des EAK.
  • Consulter le cahier "Le design fiction : un outil pour inventer le futur des collectivités" en cliquant sur ce lien.