Pour la troisième édition de sa résidence de création, le musée départemental Albert-Kahn
invite la sculptrice Marina Mankarios à investir la salle des Plaques. Pendant près de quatre
mois, avec son projet Modèles perdus, la plasticienne explore les collections du musée sous l’angle du patrimoine disparu ou en péril au Proche-Orient.
À partir d’autochromes des Archives de la Planète d’Albert Kahn, Marina Mankarios extrait un détail architectural qu’elle copie, moule, puis reproduit en plusieurs exemplaires, chacun d’entre eux comprenant des aspérités et des lacunes diff érentes.
Ces ensembles de fragments sculpturaux rassemblés au sein de la salle des Plaques du musée - comme autant d’échos au patrimoine en péril ou disparu, que ces destructions soient liées au contexte politique ou à la crise climatique - et redonnent vie à ces œuvres perdues ou en danger.
La démarche de Marina Mankarios permet de mettre en lumière et en relief les liens unissant photographies et sculptures, jouant avec les notions de négatif/positif, de tirage, mais également l’importance du point de vue dans la création et la perception d’une œuvre. Le travail de l’artiste fait écho aux nombreuses images de ruines qui figurent dans les collections, mais aussi à l’ambition même d’Albert Kahn pour les Archives de la Planète : « fixer, une fois pour toutes, des aspects, des pratiques et des modes de l’activité humaine dont la disparition fatale n’est plus qu’une question de temps ».
Marina Mankarios
Née à Paris en 1996, Marina Mankarios grandit dans une famille égyptienne copte, s’imprégnant dès son plus jeune âge de l’histoire et de la culture de ce pays. Diplômée de l’École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art (ENSAAMA)
en 2019, elle présente sa première exposition Mouler n’est pas copier, ensemble de sculptures jouant sur la répétition du moulage pour générer des oeuvres nouvelles. Installant son atelier à Paris, Marina Mankarios poursuit sa recherche sur la statuaire gréco-romaine et s’intéresse aux questionnements sur la mémoire et la disparition du patrimoine historique. En jouant avec la matière et l’espace, elle oeuvre pour illustrer l’oubli, ce qui manque et à jamais disparaît de notre histoire.
Ses oeuvres sont notamment exposées à la Dutch Design Week, à la Galerie Sobering à Paris, et plus récemment par la Villa Gabrielle. En 2023, elle intègre la résidence Lasource et expose son projet au Musée Rodin à Paris. Depuis 2021, elle fait partie du
collectif Le Cercle de l’Art, rassemblant des artistes femmes de la scène émergente française.
Les Archives de la Planète d’Albert-Kahn
Désireux de témoigner des transformations de son temps, Albert Kahn emploie sa fortune à la réalisation d’un vaste programme de documentation du monde. Dès 1912, il initie, selon ses propres dires : « une sorte d’inventaire photographique de la surface du
globe, occupée et aménagée par l’homme, telle qu’elle se présente au début du XXe siècle ». Ainsi naissent les Archives de la Planète, qui constituent aujourd’hui le socle des collections du musée départemental Albert-Kahn.
Réalisées par une douzaine d’opérateurs employés par le banquier philanthrope jusqu’en 1931, ces Archives de la Planète rassemblent 72 000 photographies couleur sur plaques de verre appelées autochromes, ainsi qu’une centaine d’heures de fi lm noir et blanc, ce qui en fait la plus importante collection de ce type au monde. La photographie en couleurs et le cinéma, innovations alors récentes, sont perçus par Albert Kahn comme une véritable « empreinte » mémorielle du réel, un moyen de conserver « vivants quoique disparus » tous les « phénomènes d’intérêt général ». Les Archives de la Planète doivent permettre aux générations futures de se nourrir des « enseignements que comporte le tableau direct de l’évolution ».
Les résidences de création en salle des Plaques du musée départemental Albert-Kahn
La salle dite « des Plaques » du musée départemental Albert-Kahn, d’une surface de 54 mètres carrés, est le lieu où, à la fi n des années 1920, les plaques autochromes des Archives de la Planète étaient classées et conservées. Cet espace, récemment restauré, est intégré au parcours permanent du nouveau musée et permet aux visiteurs d’éprouver physiquement l’ampleur de l’entreprise d’archivage du monde initiée par le banquier.
Chaque année, le musée départemental Albert-Kahn ouvre une résidence de création à des artistes ou collectifs afi n d’explorer les notions d’archives et de consignation du réel en partant des collections comme matière première de leur création en arts visuels.